[52] Voici un extrait du procès-verbal de l'audience tenue le 18 juillet 2006 devant la commissaire Ghosh (soulignement ajouté) :
La commissaire : Madame, souhaitez-vous prêter serment sur le livre saint de votre choix, que vous devriez avoir apporté avec vous, sinon je vous demanderai de faire une affirmation solennelle.
La demandeure d'asile : Je vais faire une affirmation solennelle, Madame.
La commissaire : Veuillez vous lever et lever la main droite.
Affirmez-vous solennellement que le témoignage que vous allez rendre sera la vérité, toute la vérité et rien que la vérité?
La demandeure d'asile : J'affirme solennellement que le témoignage que je vais rendre sera la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
PAR L'AGENT DE PROTECTION DES RÉFUGIÉS À LA DEMANDEURE :
Q : Comment êtes-vous d'abord entrée en contact avec
M. Ahiquay (sic)?
R : Par un ami que j'ai rencontré à l'église.
Q : Et lorsque vous êtes allée le rencontrer, que lui avez-vous demandé; que vouliez-vous qu'il fasse pour vous?
R : Je lui ai dit que je souhaitais lui demander... que je souhaitais régulariser ma... je voulais obtenir ma... mon séjour ici, et je lui ai parlé de la maladie de ma mère, et ainsi de suite.
Q : D'accord, alors vous lui avez dit que vous vouliez être en situation régulière au Canada?
R : Ouais.
Q : D'accord, et que vous a-t-il suggéré?
R : Il m'a dit que, vous savez, si vous écrivez cette histoire, ils ne vont pas, ils ne vont pas vous croire. Ils vont dire comme vous voulez demeurer ici, alors vous devez présenter une demande... une demande d'asile.
Q : Qui a eu l'idée de dire que vous étiez lesbienne?
R : Il m'a dit... il m'a dit de dire que j'étais lesbienne parce que c'était pour m'aider à passer au travers (inaudible).
Q : D'accord. Alors il... je veux être certain de comprendre ce que vous dites.
M. Ahiquay vous a dit : « Si vous leur dites que vous êtes lesbienne, vous allez être admise au Canada ». Est-ce bien ce qu'il vous a dit?
R : Bien oui, parce qu'il a dit à ce moment : « Je veux vous faire - passer à travers le processus que je souhaitais - il a dit que je devais passer par l'option de réfugiée.
Q : D'accord, et il - quel montant a-t-il exigé?
R : Il a dit : « Je veux 5 000 dollars ».
La commissaire : Combien, 5 000 $?
La demandeure d'asile : Cinq mille dollars, il a dit que c'était le montant exigé, mais je lui ai payé... mais je lui ai donné 2 400 $.
Q : D'accord, et vous a-t-il remis des reçus?
R : Ouais, j'ai des reçus.
Q : Les avez-vous avez vous?
R : Oui.
Q : Pouvons-nous voir les reçus?
PAR L'AGENT DE PROTECTION DES RÉFUGIÉS À LA DEMANDEURE suite :
Q : D'accord, alors vous m'avez remis trois reçus; pouvez-vous me dire qui a rédigé ces reçus?
R : Je crois que c'était sa secrétaire à son bureau.
Q : Maintenant il - il vous a demandé de signer - vous a-t-il demandé de signer un document où vous affirmiez ne pas lui verser de rémunération?
R : Oui.
Q : Et que vous a-t-il dit au sujet de ce document?
R : Il m'a dit que - il m'a dit que, vous savez - oui, il a dit... il a dit, « Vous savez, ces gens ne... ils (inaudible) ne me paient pas », alors je dois signer.
Q : D'accord, vous a-t-il dit... vous lui versiez de l'argent, mais vous avez signé un document qui disait que vous ne lui versiez pas d'argent; lui avez-vous posé des questions à ce sujet?
R : Non, j'avais peur, je n'ai rien dit. J'étais si effrayée, je n'ai rien dit.
Q : D'accord, et lorsque vous avez décidé que vous ne vouliez plus travailler avec lui?
R : Je n'ai jamais été à l'aise... dès le début quand j'ai commencé, je n'étais pas à l'aise avec lui, au tout début, je n'étais pas à l'aise, mais j'avais peur de (inaudible).
Q : D'accord, alors lorsque vous avez décidé de cesser de travailler avec lui; à quel moment avez-vous décidé de travailler avec lui?
R : J'ai décidé d'arrêter de travailler avec lui vers le mois d'octobre.
Q : D'accord, et que s'est-il passé en octobre pour que vous changiez d'idée et ne vouliez plus travailler avec lui?
R : J'étais toujours inquiète et je ne savais pas vers qui me tourner et j'ai rencontré... une dame de l'église de... Église (phonétique).
Q : D'accord.
R : Et j'ai commencé à lui raconter mon histoire.
Q : D'accord.
R : Et elle m'a présentée à...
[53] Les pièces suivantes ont été versées au dossier de la Commission : un formulaire « Avis - représentant non rémunéré » signé par
M. Ehikwe, des copies de trois reçus délivrés à la demandeure par International Investigation Agency, l'exposé des faits sur le
FRP original présenté par
M. Ehikwe, une portion de l'exposé des faits révisés sur le
FRP en date du 29 novembre 2005, et un extrait du procès-verbal de l'audience comprenant l'échange pertinent.
[55] Je conclus que les reçus présentés par cette demandeure d'asile ont le même format et que l'écriture de deux de ces reçus présente une ressemblance frappante avec celle du reçu présenté par un autre demandeur d'asile dans le dossier TA5-01547. L'authenticité de ce reçu n'a pas été contestée par
M. Ehikwe lors de l'instruction de cette demande; en fait, il a confirmé qu'un reçu avait été délivré à cette demandeure d'asile.
[56] La seule question en jeu est celle de savoir si l'argent payé constituait une rémunération ou un « don » à l'entreprise. Je conclus qu'il s'agissait d'une rémunération pour les services de
M. Ehikwe. Je conclus que la demandeure a payé des montants d'argent à
M. Ehikwe ou à son entreprise pour des services fournis relativement à la présentation d'une demande devant la Commission.
[57] En ce qui concerne l'allégation selon laquelle il aurait conseillé à la demandeure d'asile de présenter une histoire fausse au soutien de sa demande d'asile, je relève l'argument de
M. Ehiwke suivant lequel la demandeure d'asile n'est pas, en fait, digne de foi, parce qu'elle a présenté des versions différentes de son histoire et qu'elle seule, avant qu'il ne soit impliqué avec elle, a choisi de présenter une histoire fausse à
CIC. La preuve démontre, cependant, qu'au moment de l'entrevue de la demandeure d'asile (Réfugiés à admettre en personne) au bureau de
CIC à Etobicoke, comme l'indique le rapport d'examen, la demandeure avait déjà obtenu les services de
M. Ehiwke à titre de conseil (voir pièce E,
p. 18). Je note par ailleurs que la même histoire a été présentée dans le Formulaire de renseignements personnels préparé et présenté à la
CISR par le bureau de
M. Ehiwke.
[58] Vu l'ensemble de la preuve dont je dispose, je conclus, selon la prépondérance des probabilités, que
M. Ehiwke a, dans le cas qui nous occupe, suggéré à la demandeure d'asile de présenter une histoire fausse pour appuyer une demande d'asile. Je préfère l'explication de la demandeure au sujet des circonstances au cours desquelles la fausse déclaration s'est produite, que je trouve plus plausible que le déni pur et simple de
M. Ehikwe. Je note que
M. Ehikwe a nié catégoriquement d'autres faits et que sa crédibilité est entachée : il a déclaré que les reçus que la demandeure d'asile avait présentés à la
CISR n'avaient pas été délivrés par son entreprise alors que, selon toute vraisemblance, ils l'avaient été, ce qui nuit à la crédibilité de sa déclaration, selon laquelle il n'exigeait pas de rémunération.