À huis clos
Motifs et décision
- XXXX XXXX XXXX XXXX
- XXXX XXXX
Conseil des personnes en cause :
Représentant(e) désigné(e) :
Motifs de décision
I. Introduction
[1]
XXXX XXXX XXXX et
XXXX XXXX (les appelants), des citoyens de l’Inde, interjettent appel d’une décision rendue par la Section de la protection des réfugiés (SPR) le 1er février 2016 et ayant rejeté leur demande d’asile.
[2] Les appelants n’ont demandé à présenter aucun nouvel élément de preuve à l’appui de leur appel et ils n’ont pas non plus demandé la tenue d’une audience devant la Section d’appel des réfugiés (SAR).
[3] Les appelants demandent à la SAR de casser la décision de la SPR et de conclure qu’ils ont qualité de réfugié au sens de la Convention au titre de l’article 96 de la
Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR).
II. Décision
[4] Au titre du paragraphe 111(1) de la LIPR, la SAR confirme la décision attaquée, à savoir que
XXXX XXXX XXXX et
XXXX XXXX n’ont pas qualité de réfugié au sens de la Convention, suivant l’article 96 de la LIPR, ni celle de personne à protéger, suivant l’article 97 de la LIPR.
[5] L’appel est rejeté.
III. Contexte
a. Fondement de la demande d’asile
[6] Selon le formulaire Fondement de la demande d’asile (formulaire FDA), les appelants forment un couple marié et ils sont originaires du district XXXX, au Pendjab, en Inde.
[7] Les appelants possèdent une maison de ferme et une maison au village. À l’occasion, ils laissent leurs amis et des amis de leurs amis séjourner dans leur maison de ferme en leur absence.
[8] Le XXXX XXXX 2014, des personnes séjournaient dans la maison de ferme des appelants en l’absence de ces derniers lorsque la police y a effectué une descente. Les personnes en question ont réussi à s’échapper pendant la descente, mais elles ont laissé derrière elles un sac noir contenant des armes et des munitions, que les policiers ont trouvé. Plus tard, la police a appréhendé l’appelant à son domicile du village. Celui-ci a été amené au poste de police où il a été détenu, torturé et accusé d’aider des militants. Il a été mis en liberté le XXXX XXXX 2014 après le versement d’un pot-de-vin. Les policiers ont dit à l’appelant qu’il devait collaborer avec eux en leur donnant davantage de renseignements sur les militants.
[9] Après sa mise en liberté, l’appelant a reçu des soins médicaux pendant sept jours. Lorsque l’appelant est retourné chez lui, la police a commencé à le harceler continuellement, et sa maison a été fouillée.
[10] Le XXXX XXXX 2014, quatre hommes se sont présentés à la maison des appelants au village afin de récupérer le sac noir. Lorsqu’ils ont appris que les policiers avaient pris possession du sac noir, les hommes ont battu l’appelant et exigé de lui qu’il récupère le fameux sac ou qu’il leur verse un montant d’argent substantiel.
[11] Le XXXX XXXX 2014, deux hommes sont retournés au domicile des appelants pour récupérer le sac noir, mais ils ont fui lorsque les policiers sont arrivés sur place. L’appelant a encore une fois été mis en détention, et sa maison au village a été fouillée. Il a été libéré sous condition de ne pas quitter le voisinage, de se rapporter à la police une fois par mois et de verser un pot-de-vin.
[12] Après sa mise en liberté, l’appelant a été hospitalisé pendant une semaine. À son retour chez lui, il a été placé sous surveillance policière. Le XXXX XXXX 2014, l’appelant est allé rester chez son cousin à XXXX, dans l’État d’Uttar Pradesh.
[13] Le XXXX XXXX 2015, des policiers ont fait une descente au domicile des appelants. L’appelante a été mise en détention, torturée et agressée sexuellement. Elle a été mise en liberté le XXXX XXXX 2015 après le paiement d’un pot-de-vin; les passeports des appelants ont tous deux été saisis. L’appelante est ensuite allée rejoindre son époux à XXXX.
[14] Le cousin des appelants a communiqué avec un agent pour prendre les dispositions nécessaires pour qu’ils puissent quitter le Canada. L’agent a réussi à récupérer les passeports des appelants, lesquels avaient été saisis par la police après avoir payé un pot-de-vin.
[15] Sur les instructions de l’agent, les appelants ont déménagé à XXXX le XXXX XXXX 2015. Ils sont restés à XXXX jusqu’à ce que l’agent organise leur départ pour le Canada, le XXXX XXXX 2015.
b. Décision de la Section de la protection des réfugiés
[16] Le 1er février 2016, la SPR a rejeté la demande d’asile des appelants après avoir conclu que ces derniers n’avaient pas qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger. La SPR a conclu que la preuve présentée par les appelants manquait de crédibilité en raison d’omissions, de témoignages vagues et changeants, et d’incohérences. En outre, la SPR n’a accordé aucune valeur probante à la preuve documentaire présentée par les appelants.
[17] De façon subsidiaire, la SPR a établi que même si les éléments de preuve des appelants étaient jugés crédibles, les appelants bénéficieraient tout de même d’une possibilité de refuge intérieur (PRI) à Delhi ou à Mumbai.
c. Motifs d’appel
[18] Les appelants ont soulevé les questions suivantes dans le cadre de l’appelNote de bas de page 1 :
- La SPR a-t-elle commis une erreur dans son évaluation de la crédibilité des appelants?
- La conclusion quant à l’absence de crainte objective est-elle étayée par la preuve?
- La SPR a-t-elle commis une erreur en n’effectuant pas une analyse de la protection de l’État?
- La SPR a-t-elle commis une erreur en concluant que les appelants disposaient d’une PRI à Delhi ou à Mumbai?
[19] J’estime que la question déterminante en l’espèce est celle de savoir si les appelants disposent d’une PRI. Ainsi, il n’est pas nécessaire d’évaluer si la SPR a commis une erreur à l’égard des autres questions à trancher soulevées par l’appelantNote de bas de page 2.
IV. Portée de l’appel interjeté devant la Section d’appel des réfugiés
[20] La LIPR énonce des motifs d’appel et des recours possibles. Cependant, elle ne précise pas la norme que doit appliquer la SAR au moment d’examiner la décision de la SPR.
[21] Les appelants avancent que la SAR a le pouvoir d’intervenir dans le cadre du présent appel au regard de la norme de la décision raisonnableNote de bas de page 3.
[22] La Cour d’appel fédérale a établi, dans l’arrêt HuruglicaNote de bas de page 4, que, dans les cas où la question de la crédibilité des témoignages de vive voix n’est pas soulevée, le rôle de la SAR n’est d’intervenir que si la décision attaquée de la SPR est erronée en droit, en fait ou en droit et en fait. En pareils cas, la SAR doit appliquer la norme de contrôle de la
décision correcteNote de bas de page 5. La juge Gauthier a déclaré ce qui suit :
[A]près examen attentif de la décision de la SPR, la SAR doit effectuer sa propre analyse du dossier afin de décider si la SPR a bel et bien commis l’erreur alléguée par l’appelant. Après cette étape, la SAR peut statuer sur l’affaire de manière définitive, soit en confirmant la décision de la SPR, soit en cassant celle-ci et en y substituant sa propre décision sur le fond de la demande d’asile. L’affaire ne peut être renvoyée à la SPR pour réexamen que si la SAR conclut qu’elle ne peut rendre une décision définitive sans entendre les témoignages de vive voix présentés à la SPRNote de bas de page 6.
[23] Comme il a été mentionné précédemment, j’estime que la question déterminante est celle de savoir s’il existe une PRI. Dans ce cas-ci, l’analyse de la PRI ne soulève aucun doute quant à la crédibilité du témoignage de vive voix, et j’appliquerai donc la norme de contrôle de la décision correcte au présent appel.
V. Analyse
[24] Après avoir procédé à ma propre analyse du dossier, je conclus que la SPR n’a pas commis d’erreur en concluant qu’il existait une PRI pour les appelants à Delhi ou à Mumbai. Compte tenu de l’existence d’une PRI, les appelants n’ont pas qualité de réfugié ni celle de personne à protéger.
[25] J’exposerai maintenant les motifs m’ayant amené à tirer cette conclusion.
Critère relatif à la possibilité de refuge intérieur
[26] Il est bien établi en droit qu’il incombe au demandeur de démontrer qu’il serait déraisonnable pour lui de chercher refuge dans une autre région de son pays avant de demander la protection internationaleNote de bas de page 7.
[27] Cette évaluation s’effectue selon un critère à deux volets. Tout d’abord, la SPR doit être convaincue, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur ne risque pas sérieusement d’être persécuté dans la partie du pays où, selon elle, il existe une possibilité de refuge. Ensuite, la situation dans la partie du pays doit être telle qu’il ne serait pas déraisonnable pour le demandeur d’y chercher refugeNote de bas de page 8.
Premier volet du critère : Il n’existe aucune possibilité sérieuse de persécution dans la partie du pays où il existe une possibilité de refuge intérieur
[28] À l’audience devant la SPR, les appelants ont fait valoir qu’ils ne peuvent bénéficier d’une PRI à Delhi ou à Mumbai parce que la police du Pendjab les tuerait dès leur retour en Inde. Ils affirment que la menace s’étend à l’ensemble de l’Inde, étant donné le système de vérification des locataires qui oblige les propriétaires à enregistrer leurs locataires auprès du poste de police le plus proche. Si les appelants déménagent dans une région différente de l’Inde, le propriétaire exigera que leur identité soit vérifiée et, de ce fait, les policiers [traduction] « sauront où ils se trouvent » et [traduction] « transmettront l’information aux autres policiers »Note de bas de page 9.
[29] Après avoir examiné les éléments de preuve, la SPR a conclu, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existait aucune possibilité sérieuse que les appelants soient persécutés s’ils retournaient en Inde et déménageaient à Delhi ou à Mumbai.
[30] Pour en arriver à cette conclusion, la SPR a tenu compte des éléments qui suivent.
- Bien que les appelants soutiennent que la police du Pendjab les tuerait dès leur retour en Inde, ils n’ont pas établi que les policiers du Pendjab continueraient de les pourchasser à Mumbai ou à Delhi.
- a police du Pendjab a la capacité et le pouvoir de suivre des suspects qui déménagent dans d’autres États. Cependant, cela ne se produit que dans des cas extrêmes. Selon les éléments de preuve présentés par les appelants, la police du Pendjab a relâché l’appelant à deux occasions. Chaque fois, il devait réunir des informations sur des militants avec qui il était soupçonné d’avoir des liens. Rien dans la preuve ne laisse croire que l’appelant était la cible principale d’une enquête de la police du Pendjab.
- Lorsque l’appelante a été arrêtée, les policiers du Pendjab ont saisi les passeports appartenant aux deux appelants. Lorsque l’agent a, plus tard, versé un pot-de-vin à la police, il a pu récupérer les passeports. Vu les circonstances, les policiers étaient raisonnablement au courant que les appelants planifiaient de quitter le pays, mais rien dans la preuve n’indique qu’ils aient fait quoi que ce soit pour intervenir.
- Après avoir quitté leur domicile, les appelants ont vécu chez un proche à XXXX XXXX pendant trois mois, puis ils ont vécu six mois à XXXX en attendant que l’agent prenne les dispositions nécessaires pour assurer leur départ à destination du Canada. Durant cette période, rien dans la preuve ne laisse entendre que la police a tenté de les localiser en dehors du Pendjab ou qu’elle avait intérêt à les poursuivre dans un autre État.
- Rien dans la preuve ne laisse croire que le profil des appelants motiverait les policiers du Pendjab à obtenir la collaboration des autres États.
- Les appelants affirment que le système d’enregistrement des locataires instauré en Inde exige des propriétaires de soumettre des renseignements sur les locataires à la police locale. Toutefois, l’information d’origine souligne le fait que les dossiers sont vérifiés et contre-vérifiés uniquement dans le cas de crimes graves. Ce n’est pas le cas des appelants, puisque rien n’indique qu’ils ont été formellement accusés d’un crime grave et il n’y a aucune trace d’un premier rapport d’information, ni aucune trace du fait que les policiers du Pendjab auraient informé les autorités fédérales de quelconques soupçons quant à une éventuelle activité militante.
- Les appelants ont obtenu des visas pour le Canada en utilisant leurs passeports valides de manière transparente. Ils ont quitté l’Inde sans aucun problème.
- Les appelants n’ont produit aucun élément de preuve laissant croire que leurs noms figurent sur la liste des personnes recherchées ni qu’ils sont soupçonnés d’avoir commis un crime grave. Il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve pour conclure que la police de Delhi ou de Mumbai communiquerait avec la police du Pendjab. Ainsi, les appelants n’ont pas démontré que le système de vérification des locataires les exposerait à un risque.
- Même si les appelants ont fourni des éléments de preuve selon lesquels le Pendjab connaît de plus en plus d’instabilité, rien dans la preuve ne permet d’établir que les habitants du Pendjab sont assujettis à une surveillance accrue lorsqu’ils déménagent dans d’autres États de l’Inde.
- Les appelants se sont vu demander si les militants représentent un risque pour eux s’ils déménagent à Mumbai ou à Delhi. L’appelant a dit ne pas le savoir. La conseil des appelants a fait valoir que les militants seraient en mesure de retrouver les appelants puisqu’ils ont des terres et des enfants au Pendjab. La SPR a conclu que cette observation était spéculative et qu’elle ne faisait pas partie de la preuve.
[31] En appel, il est avancé que la SPR a commis une erreur en évaluant la viabilité de la PRI. Il est avancé que, puisque l’agent de persécution est la
police en Inde, à savoir le
pouvoir exécutif, cela équivaut à dire qu’il n’existe aucune PRI pour les appelants en IndeNote de bas de page 10.
[32] Après avoir examiné le dossier et écouté l’enregistrement audio de l’audience devant la SPR, je conclus que cette observation n’est pas fondée.
Absence de force policière nationale en Inde
[33] Je commencerai mon analyse en soulignant que, contrairement à ce que les appelants avancent, l’Inde ne dispose pas d’une force policière nationale. L’information recueillie auprès du ministère de l’Intérieur de l’agence frontalière du Royaume-Uni révèle plutôt que chaque État en Inde dispose de forces policières distinctes qui ne sont pas
interreliéesNote de bas de page 11.
Absence de possibilité sérieuse de persécution pour les appelants en raison du système d’enregistrement des locataires en Inde
[34] Les appelants ont fourni des éléments de preuve documentaire convaincants établissant que les propriétaires ont l’obligation d’enregistrer leurs locataires en IndeNote de bas de page 12. Cette pratique consiste généralement pour les propriétaires à enregistrer leurs locataires auprès du poste de police le plus proche, où les policiers consignent l’information à propos des locatairesNote de bas de page 13. Ce processus est considéré comme obligatoire dans certaines villes, notamment à Delhi et à Mumbai, bien que les propriétaires n’enregistrent pas tous leurs locataires et que le respect de cette obligation varie d’un État à l’autreNote de bas de page 14.
[35] Par conséquent, je conviens que les appelants seront soumis à un processus de vérification policière s’ils louent un logement à Delhi ou à Mumbai.
[36] Cependant, après avoir examiné la preuve documentaire, j’arrive aussi à la conclusion que, en l’espèce, le processus de vérification des locataires n’amènerait pas la police de Delhi ou de Mumbai à communiquer ou à contre-vérifier l’information avec le service policier du Pendjab. Plus précisément, l’examen de la preuve documentaire révèle qu’il y a peu de communication interétatique entre les services de police en Inde, sauf dans les cas de
crime grave. Je tire cette conclusion à partir des éléments que voici :
- Les renseignements contenus dans une réponse à une demande d’information (RDI) portant sur la situation des sikhs à l’extérieur de l’État du Pendjab et sur leur capacité de se réinstaller ailleursNote de bas de page 15 révèlent que les sikhs n’ont généralement pas de difficulté à déménager dans d’autres régions de l’Inde. Pour retrouver des suspects qui déménagent dans d’autres États, la police du Pendjab doit pouvoir compter sur la coopération de la police de l’autre État. Ainsi, la police ne tenterait de retrouver des personnes que dans des cas extrêmesNote de bas de page 16.
- Je constate qu’une autre RDI traite spécifiquement de la communication entre les policiers en IndeNote de bas de page 17, document qui révèle qu’il n’existe aucune base de données policière centrale dans les postes de police locaux. Il est extrêmement difficile, voire impossible de trouver une personne à la suite d’un contrôle de sécurité, à moins qu’il y ait correspondance entre les données d’un poste de police local et la personne qui fait l’objet du contrôle de sécuritéNote de bas de page 18.
- Une autre RDI datée du 13 mai 2013 traite des communications de la police et de la collaboration entre les postes de policeNote de bas de page 19. Il y est souligné que les services policiers du Pendjab et de Delhi collaborent pour trouver les personnes d’intérêtNote de bas de page 20. Plus précisément, les forces policières communiquent entre elles dans les différentes villes ou les différents États pour retrouver des personnes recherchées, notamment des suspects recherchés pour un crime, des témoins d’actes criminels ou des personnes susceptibles de représenter une menace à la sécurité nationaleNote de bas de page 21.
- Les renseignements fournis par le ministère de l’Intérieur de l’agence frontalière du Royaume-UniNote de bas de page 22 révèlent que [traduction] « il manque encore en Inde une base de données nationale concernant les crimes, ce qui fait que les postes de police de chaque État agissent pratiquement en vase clos ».
[37] Une RDI plus récente, datée du 10 mai 2016, fournit de l’information sur la question de savoir si les services de police de l’Inde peuvent déterminer où se trouve une personne, notamment grâce à l’enregistrement exigé pour l’emploi, le logement et l’éducation, aux contrôles de sécurité et à la technologie de surveillanceNote de bas de page 23. Cette RDI est postérieure à l’audience de la SPR dans la présente affaire. Par conséquent, l’appelant a eu l’occasion de présenter des observations relativement aux renseignements contenus dans ce document.
[38] Le 19 janvier 2017, la conseil des appelants a avancé que les renseignements contenus dans la RDI ne constituaient qu’une simple
opinion exprimée par les personnes avec qui avait communiqué la Direction des recherches. Il s’agit d’une information qui n’est pas concluante pour ce qui est de fonder une demande d’asile et que peu de valeur probante devrait lui être accordée. Il est avancé que les appelants sont soupçonnés d’être impliqués dans du terrorisme. Selon la RDI, il y a des communications policières entre les États en cas de crimes majeurs.
[39] Je constate que l’information contenue dans la RDI du 10 mai 2016 indique que, en Inde, [traduction] « les communications policières sont peu fréquentes entre les États, sauf en cas de crimes majeurs comme la contrebande, le terrorisme et certains crimes organisés de grande envergureNote de bas de page 24 ». De plus, il y est dit que [traduction] « les postes de police de l’Inde agissent pratiquement en vase clos en ce qui a trait au suivi des crimes ou à la traque des criminels. Il n’existe aucun système efficace de stockage des données […] ni d’échange ou de consultation des données et il n’y a pas de système unique permettant aux services de police de communiquer directement entre euxNote de bas de page 25 ». Par ailleurs, les programmes visant à relier entre elles les différentes bases de données n’ont pas progressé depuis des années en Inde. Certains renseignements sont donnés sur le réseau zonal intégré de la police (ZIPNET), mais le système ZIPNET se concentre surtout sur les crimes odieux, les criminels les plus recherchés, les enfants disparus et trouvés, les corps de victimes non identifiées et les personnes retrouvées non identifiées, ainsi que les véhicules volés, non réclamés ou saisisNote de bas de page 26.
[40] Il est évident que la preuve documentaire démontre que la police de Delhi ou de Mumbai ne communiquerait pas avec le service policier du Pendjab dans le cadre du processus d’enregistrement des locataires.
[41] J’ai aussi tenu compte du fait que le profil des appelants n’est pas suffisamment grave pour amener la police du Pendjab à les poursuivre au-delà des frontières de l’État à Delhi ou à Mumbai. Pour reprendre ce qui a déjà été dit, la preuve documentaire révèle qu’il est de pratique courante en Inde d’entreprendre des recherches en vue de retrouver une personne dans un autre État uniquement dans les cas extrêmesNote de bas de page 27. Il s’agit là de situations exceptionnelles qui ne correspondent pas à la situation des appelants, puisque rien n’indique que ceux-ci représentent une menace importante ou qu’ils soient impliqués dans des crimes graves ou perçus comme étant impliqués dans de tels crimes, au point où il vaille la peine de les retrouver où qu’ils soient en Inde.
[42] Tout bien considéré, les appelants n’ont pas démontré que, selon la prépondérance des probabilités, ils seraient exposés à une possibilité sérieuse d’être persécutés à Delhi ou à Mumbai, et ce, malgré le processus d’enregistrement des locataires en place en Inde.
Deuxième volet du critère relatif à la possibilité de refuge intérieur : Serait-il objectivement déraisonnable ou excessivement difficile pour les appelants de chercher refuge dans la région de Delhi ou de Mumbai?
[43] La SPR a ensuite examiné le second volet du critère relatif à la PRI, et elle a conclu que les appelants n’avaient pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, qu’il serait objectivement déraisonnable ou excessivement difficile pour eux de trouver refuge dans la région de Delhi ou de Mumbai, vu l’ensemble des circonstances de l’affaire.
[44] Les appelants n’ont présenté aucune observation pour contester cette conclusion.
[45] Je débuterai mon analyse en soulignant le fait que la jurisprudence établit un seuil très élevé quand vient le temps de déterminer si la PRI serait déraisonnable ou excessivement difficile. Dans l’arrêt ThirunavukkarasuNote de bas de page 28, la Cour d’appel fédérale a déclaré ce qui suit :
[S’]il existe dans leur propre pays un refuge sûr où ils ne seraient pas persécutés, les demandeurs de statut sont tenus de s’en prévaloir à moins qu’ils puissent démontrer qu’il est objectivement déraisonnable de leur part de le faire.
[46] Dans l’affaire qui nous occupe, les appelants affirment être un couple sikh marié. Questionnés à l’audience, ils n’ont mentionné aucun problème particulier à un déménagement à Delhi ou à Mumbai, à l’exception de l’expérience qu’ils ont déjà eue avec la police.
[47] D’un point de vue objectif, je constate que l’information contenue dans la RDI du 13 mai 2013 révèle qu’il y a des communautés sikhes fortes et importantes dans toutes les grandes villes de l’IndeNote de bas de page 29. Il y a peu de discrimination à l’égard des sikhs en Inde. Plusieurs sources citées dans la RDI du 13 mai 2013 signalent que les minorités sikhes vivant dans des États autres que le Pendjab ont accès à des logements, à des emplois, à des soins de santé, à l’éducation et qu’elles peuvent pratiquer leur religion librement. De plus, les sikhs ne se heurtent à aucune difficulté au moment de se réinstaller dans d’autres régions de l’IndeNote de bas de page 30.
[48] Enfin, j’ai examiné la situation personnelle des appelants ainsi que la preuve documentaire, y compris les conditions dans le pays qui prévalent pour les sikhs qui se réinstallent en Inde. Mon analyse des éléments de preuve m’amène à conclure que les appelants n’ont pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, qu’il serait objectivement déraisonnable ou excessivement difficile pour eux de chercher refuge dans la PRI proposée.
VI. Recours
[49] Pour conclure, j’ai procédé à une analyse indépendante du dossier, j’ai écouté l’enregistrement audio, j’ai tenu compte des arguments des appelants, et j’ai examiné la décision de la SPR. Dans l’ensemble, je conclus que la SPR n’a pas commis d’erreur en tirant la conclusion selon laquelle les appelants disposent d’une PRI. Autrement dit, je conclus, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe pas de possibilité sérieuse de persécution ou de préjudice si les appelants déménagent à Delhi ou à Mumbai. En outre, les appelants n’ont pas démontré qu’il serait objectivement déraisonnable ou excessivement difficile pour eux de se réinstaller à Delhi ou à Mumbai. Cette décision est déterminante quant à l’issue de l’appel.
[50] Pour tous ces motifs, je confirme la décision attaquée conformément au paragraphe 111(1) de la LIPR, à savoir que
XXXX XXXX XXXX et
XXXX XXXX n’ont pas qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger.
[51] L’appel est rejeté.