La plainte portait sur quatre décisions de la Section de la protection des réfugiés qui ont été rendues par la commissaire entre 2014 et 2018.
La plainte a été déposée le 20 mars 2020. La plaignante a comparu en tant que conseil pour trois des quatre demandeurs d’asile devant la SPR dans les demandes d’asile susmentionnées.
Selon la plainte, les décisions de la commissaire quant à la crédibilité avaient à maintes reprises été jugées déraisonnables par la Section d’appel des réfugiés (SAR) et la Cour fédérale. Plus précisément, les allégations suivantes ont été formulées :
- Les décisions de la SAR et de la Cour fédérale relativement aux quatre demandes d’asile montrent que des conclusions déraisonnables et injustes selon lesquelles le demandeur d’asile n’est pas crédible ont été tirées de façon répétée. Les conclusions de la commissaire quant à la crédibilité ont été contestées dans chacune de ces décisions.
- La commissaire n’a d’aucune façon adapté ses techniques d’évaluation de la crédibilité, et cela est injuste pour tous les demandeurs d’asile qui comparaissent devant elle.
- La commissaire a indûment [traduction] « traité chacun des demandeurs d’asile d’être un menteur ». De nombreux demandeurs d’asile sont vulnérables et traumatisés, et c’est une chose de se voir refuser la qualité de réfugié pour des motifs liés à la protection de l’État, à la possibilité de refuge intérieur ou à l’absence de possibilité sérieuse d’être persécuté. C’en est cependant une autre de se faire traiter de menteur alors que ce n’est pas le cas. Lorsqu’elle est faite indûment, une telle affirmation entraîne un autre traumatisme et a des répercussions très défavorables.
- À chacune des audiences, le ton de la commissaire de même que son défaut de bien écouter ce que les demandeurs d’asile disaient, son défaut d’évaluer correctement la preuve dont elle était saisie, son défaut de prendre en compte les différences sociales et culturelles, son défaut de se tenir au courant de la loi sur la manière de rendre des décisions justes et raisonnables quant à la crédibilité et son défaut de maintenir le niveau élevé de compétences et d’expertise requis pour s’acquitter de ses fonctions et de ses responsabilités ont mené à des conclusions déraisonnables.
La plaignante a demandé que la commissaire soit tenue de suivre de nouveau la formation sur la façon de rendre des décisions quant à la crédibilité. Elle a demandé que le Bureau de l’intégrité vérifie si les décisions de la commissaire continuent d’être annulées et jugées déraisonnables et, le cas échéant, que des mesures supplémentaires soient prises.
Après avoir reçu une copie de la plainte, la commissaire a fait parvenir des observations écrites au directeur du Bureau de l’intégrité. Selon les observations écrites de la commissaire, la plainte n’était pas visée par la
Procédure, car elle ne portait pas sur sa conduite, mais plutôt sur ses décisions. La commissaire a affirmé qu’elle n’avait pas conscience de cas où elle aurait traité des demandeurs d’asile de menteurs ou de cas où elle n’aurait pas été respectueuse envers des demandeurs d’asile ou la plaignante.
Le Bureau de l’intégrité a transmis la plainte au président pour qu’il décide, en vertu du paragraphe 5.5 de la
Procédure pour déposer une plainte à l’endroit d’un commissaire (la
Procédure), si les allégations étaient visées par le processus de traitement des plaintes.
Les deux parties ont été informées du règlement de la plainte. Le président a envoyé à la plaignante une lettre de décision, datée du 2 juin 2020, une copie de cette lettre a été transmise à la commissaire.
Le président a conclu que les allégations n’étaient pas liées à la conduite de la commissaire, mais plutôt à ses décisions. Par conséquent, les allégations n’étaient pas visées par la
Procédure.
Dans sa lettre, le président a expliqué qu’une plainte ne peut pas être utilisée pour contester de prétendues erreurs dans les décisions d’un commissaire. Il reconnaît cependant dans la lettre qu’il est souvent difficile de faire la distinction entre des allégations portant sur la conduite d’un commissaire et celles qui visent à contester les décisions d’un commissaire.
Des allégations selon lesquelles un commissaire aurait traité un demandeur d’asile de menteur et des allégations concernant un comportement causant un autre traumatisme au demandeur d’asile seraient généralement qualifiées comme portant sur la conduite. Toutefois, il ressort clairement de la plainte que la plaignante faisait référence aux conclusions défavorables de la commissaire quant à la crédibilité, et elle les a comparées aux conclusions défavorables à l’égard d’autres questions, comme celles de la protection de l’État et de la possibilité de refuge intérieur. Lorsqu’il a interprété dans son contexte l’allégation en question, le président a conclu qu’elle signifiait que la commissaire ne croyait pas le témoignage et la preuve des demandeurs d’asile. En d’autres termes, l’allégation porte sur les décisions de la commissaire quant à la crédibilité, et non sur sa conduite.
De même, il serait généralement considéré qu’une allégation selon laquelle un commissaire n’a pas tenu compte des différences sociales et culturelles porte sur la conduite. Toutefois, la plaignante n’a pas étayé cette allégation, si ce n’est pour déclarer que la SAR et la Cour fédérale ont annulé les évaluations de la crédibilité effectuées par la commissaire dans le cadre de quatre demandes d’asile. Ayant examiné l’allégation dans le contexte de la plainte dans son ensemble, le président a estimé que cette allégation signifiait que la commissaire n’avait pas cru le témoignage et la preuve des demandeurs d’asile.
En outre, lorsqu’il est prétendu que le ton de voix d’un commissaire à l’audience aurait entraîné de l’intimidation, un traumatisme ou de la peur, il s’agit alors de la conduite. Toutefois, la plaignante a simplement affirmé que le ton de la commissaire avait mené à des conclusions déraisonnables, sans préciser d’une quelconque façon comment le ton de la commissaire équivalait à une conduite inappropriée.
Enfin, l’allégation selon laquelle la commissaire ne s’est pas tenue au courant de la loi et n’a pas maintenu un niveau élevé de compétences et d’expertise, ce qui a mené à des conclusions déraisonnables, n’était pas liée à la conduite de la commissaire. La conduite se rapporte au comportement du commissaire, et non à ses compétences professionnelles.
Par conséquent, le président était convaincu que la plainte portait sur les décisions de la commissaire, l’exercice de son pouvoir judiciaire discrétionnaire et ses compétences professionnelles, et non sur sa conduite.
La plaignante a avancé que la commissaire devrait suivre de nouveau une formation. Dans la lettre de décision du président, il était précisé que la haute direction de la SPR avait reçu une copie de la lettre de décision. La haute direction a donc été informée des préoccupations de la plaignante et a été invitée à assurer un suivi auprès de la commissaire, au besoin. La Section a mis en œuvre des mesures correctives, y compris un plan d’action de perfectionnement professionnel, que la commissaire a dû suivre.
La plainte a été rejetée en vertu du paragraphe 5.5a) de la
Procédure, car aucune des allégations n’était visée par la
Procédure.
Le dossier est clos.
Remarque
— Dans la présente affaire, la plaignante a prétendu que les décisions de la commissaire quant à la crédibilité des demandeurs d’asile avaient été annulées à maintes reprises par la SAR et la Cour fédérale. La section 3.3 de la
Procédure prévoit ce qui suit : « Une plainte doit porter sur la conduite d’un commissaire qui est perçue comme étant contraire au Code de déontologie. Une plainte ne peut pas porter sur la décision d’un commissaire. » Les plaintes portant sur la décision d’un commissaire ne sont pas acceptées aux fins d’enquête. Cette approche est fondée sur l’exigence juridique selon laquelle l’indépendance décisionnelle des commissaires ne peut pas être entravée.