Cas No 18-009

Le plaignant a comparu à titre de conseil d’une demandeure d’asile devant la Section de la protection des réfugiés (SPR).

Les allégations de la plainte concernent le manque de sensibilité de la commissaire, qui présidait une demande d’asile fondée sur des décennies de violence physique et sexuelle.

Le plaignant a soutenu que, par ses questions indélicates, la commissaire avait bel et bien traumatisé la demandeure, laquelle avait vécu la violence dans son pays d’origine et également après son arrivée au Canada. Il a avancé que la commissaire n’avait pas tenu compte de l’incidence de la violence fondée sur le sexe sur les actes de la demandeure d’asile, et qu’elle avait porté des jugements sur la demandeure d’asile parce que celle-ci ne s’était pas soustraite à la relation de violence dans laquelle elle était.

La plainte a été déposée le 12 octobre 2017 conformément à l’ancien Protocole relatif aux questions concernant la conduite des commissaires. Conformément au paragraphe 7.2 de la Procédure pour déposer une plainte à l’endroit d’un commissaire (la Procédure relative aux plaintes), la plainte a été mise en suspens pendant que la commissaire était saisie de la demande d’asile. Le conseil a ensuite déposé de nouveau la plainte, le 22 mai 2018, qui était accompagnée d’allégations supplémentaires, et il a demandé qu’elle soit traitée conformément à la Procédure relative aux plaintes. L’ancien président par intérim a établi que la plainte serait traitée conformément à la nouvelle Procédure relative aux plaintes.

La commissaire a ensuite pris sa retraite de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (CISR), et la demande d’asile de la demandeure d’asile a été instruite dans le cadre d’une audience de novo et tranchée par un autre décideur.

L’ancien président par intérim a conclu que l’affaire en question serait renvoyée à un enquêteur externe au titre du paragraphe 5.5d) de la Procédure relative aux plaintes qui autorise le président, dans certaines circonstances exceptionnelles, à renvoyer la plainte à un enquêteur externe.

L’enquêteur externe en l’espèce possédait une expertise en droits de la personne et en droit du travail et il était un ancien membre du Tribunal des droits de la personne de l’Ontario. L’enquêteur externe a été nommé en décembre 2018.

Les allégations concernant la conduite de la commissaire, à savoir le manque de sensibilité de la commissaire et le traumatisme infligé à la demandeure d’asile, ont été renvoyées pour enquête.

Les allégations concernant l’équité procédurale, la partialité et les manquements à la Charte canadienne des droits et libertés n’ont pas été renvoyées pour enquête, car le président a conclu que ces allégations n’étaient pas liées à la conduite et, par conséquent, qu’elles n’étaient pas visées par la Procédure relative aux plaintes.

Bien qu’elle fût retraitée, la commissaire a choisi de participer à l’enquête.

L’enquêteur externe a écouté les enregistrements audio des séances en question et il a examiné la plainte et la réponse de la commissaire ainsi que la correspondance entre la commissaire et le plaignant versée au dossier de la SPR.

La commissaire et le plaignant ont tous deux eu l’occasion de produire des documents supplémentaires, de présenter des observations et d’examiner et de commenter tous les renseignements reçus et examinés par l’enquêteur externe.

Le rapport d’enquête exposait les obligations des commissaires au titre du Code de déontologie des commissaires de la CISR (le Code de déontologie). Le rapport précisait également la façon dont les Directives numéro 4 du président intitulées Revendicatrices du statut de réfugié craignant d’être persécutées en raison de leur sexe éclairent l’interprétation et l’application du Code de déontologie dans de telles circonstances.

L’enquêteur externe a conclu que la conduite de la commissaire avait en général été professionnelle et courtoise tout au long de l’audience et que la commissaire avait fait preuve de considération à l’égard de la situation de la demandeure d’asile. Cependant, malgré certains indices selon lesquels la violence et le syndrome consécutif au traumatisme provoqué par le viol étaient probablement des facteurs influant la conduite de la demandeure, certaines des questions que la commissaire a posées pendant l’audience ont montré que la commissaire avait mal compris le syndrome consécutif au traumatisme provoqué par le viol et ses répercussions sur la demandeure d’asile.

Selon les conclusions du rapport d’enquête, certaines des questions de la commissaire avaient eu une incidence néfaste sur la demandeure d’asile, étaient inappropriées et contrevenaient aux obligations de la commissaire prévues par le Code de déontologie. D’autres allégations d’inconduite ont été jugées non fondées, ou il s’agissait de questions de nature décisionnelle qui sortaient du cadre de l’enquête.

Le président a examiné le rapport d’enquête. Il était convaincu que l’enquête était rigoureuse et équitable. Il a accepté les conclusions dans le rapport et a décidé qu’il y avait eu manquement au Code de déontologie.

Les deux parties ont été informées du règlement de la plainte dans les lettres de décision du président datées du 10 mai 2019. Le président les a informées que les commissaires gestionnaires seraient invités à prendre en compte les leçons tirées de cette enquête afin d’établir les besoins futurs en matière de formation. En particulier, l’analyse effectuée par l’enquêteur externe ainsi que les conclusions permettraient de faire la distinction entre la liberté qu’ont les commissaires de poser des questions dans le cadre d’un système inquisitoire et les obligations des commissaires, prévues par le Code de déontologie, liées au respect, à la dignité, à la sensibilité culturelle et à l’interprétation des Directives numéro 4 du président intitulées Revendicatrices du statut de réfugié craignant d’être persécutées en raison de leur sexe.

Après avoir réglé l’enquête en question, le directeur du Bureau de l’intégrité a rencontré les gestionnaires de la CISR chargés de la formation des commissaires et de l’élaboration des politiques. De plus, cette affaire a été portée à l’attention de la vice présidente de la SPR. Des mesures ont ensuite été prises pour veiller à ce que les commissaires de la SPR reçoivent de la formation supplémentaire sur les Directives numéro 4 du président intitulées Revendicatrices du statut de réfugié craignant d’être persécutées en raison de leur sexe. Les leçons tirées de la plainte en question ont été intégrées au programme de formation des commissaires de la SPR.

Le président a conclu qu’aucune autre mesure n’était nécessaire, car la commissaire avait pris sa retraite.

La plainte était fondée, et le dossier a été fermé.