Utilisation de la vidéoconférence lors des audiences sur les demandes d'asile

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​Table des matières

  1. Introduction
  2. Mandat de l'évaluation
  3. Compétences de l'auteur
  4. Méthodologie de l'évaluation
  5. Données et renseignements recueillis
  6. Analyse de l'auteur
  7. Conclusions et recommandations de l'auteur

Introduction

L'utilisation de la vidéoconférence lors de certaines audiences sur les demandes d'asile - le commissaire se trouvant dans une ville et le demandeur d'asile, dans une autre ville - est une stratégie de gestion de la CISR qui vise à permettre à des ressources sous-utilisées (commissaires) d'un bureau de la Section de la protection des réfugiés (SPR) de venir en aide à des commissaires surchargés d'un autre bureau. Elle sert aussi à fournir des services judiciaires à des demandeurs d'asile en région éloignée, tout en réduisant au minimum les exigences relatives au déplacement des commissaires de la SPR ou des demandeurs d'asile.

Les deux autres sections de la CISR ont fréquemment recours à la vidéoconférence lors de divers types d'audience depuis plus de dix ans. Les bureaux de la SPR qui se trouvent dans l'Ouest canadien (notamment à Calgary) l'utilisent aussi depuis un certain temps lors de certaines audiences sur les demandes d'asile. Cependant, l'utilisation de la vidéoconférence par la SPR n'a vraiment pris de l'ampleur qu'au moment où l'on a commencé à y avoir recours de façon importante dans la région de Toronto, à la fin de l'été de 2003, en tant que stratégie visant à transférer les ressources judiciaires de la SPR à d'autres villes afin de réduire ce qui constituait alors un grave arriéré à Toronto.

Des demandes d'asile déférées à Toronto étaient sélectionnées par la SPR pour être transférées à une autre ville - en général à Montréal, à Calgary ou à Vancouver - à condition que les demandeurs d'asile de ces dossiers ne se rendent pas dans ces villes pour leur audience, mais que leur demande soit plutôt entendue par vidéoconférence. La sélection des villes auxquelles les dossiers étaient transférés reposait sur la disponibilité des commissaires ayant l'expertise pertinente sur le pays d'origine du demandeur d'asile.

La tenue d'une vidéoconférence fonctionne comme suitNote 1. Au jour et à l'heure précisés par la Commission pour la tenue de l'audience, le demandeur d'asile dont le dossier a été transféré et son représentant (en présumant qu'il en a un) participent à l'audience dans une salle d'audience spécialement équipée, au bureau de la SPR, dans la ville où la demande d'asile a initialement été déposée. (Dans le présent rapport, cette salle porte le nom de « salle du demandeur d'asile ».) On y trouve une petite table munie d'un téléviseur et d'une petite caméra. La caméra est installée sur le dessus du téléviseur. L'écran du téléviseur a une largeur de 26 po et une hauteur de 19 po. L'éclairage de la salle est identique à celui de tout autre bureau. Le demandeur d'asile et le représentant s'assoient en face du téléviseur et attendent.

Lorsque le téléviseur s'allume, ils voient en général trois personnes à l'écran : 1) le commissaire qui statuera sur leur demande d'asile, 2) l'agent de protection des réfugiés (APR) affecté à cette cause et 3) l'interprète. Le commissaire est assis plutôt loin à l'écran, derrière le banc, comme dans le cas d'une audience traditionnelle en personne. L'APR et l'interprète sont assis plus près de la caméra, de chaque côté d'une courte table, dont l'une des extrémités se trouve près du banc et l'autre, à proximité de la caméra.

Le commissaire, l'interprète et l'APR sont filmés à partir d'un bureau de la SPR se trouvant dans une autre ville, dans une salle d'audience similaire spécialement équipée (désignée « salle du commissaire » dans le présent rapport). L'éclairage est également celui d'un bureau standard. À leur écran, le commissaire, l'APR et l'interprète voient le demandeur d'asile et le représentant (le cas échéant) assis à une petite table. Le demandeur d'asile est habituellement assis au bout de la table et fait directement face à la caméra, tandis que le représentant est assis de côté. Cependant, aucune règle officielle ne détermine où le demandeur d'asile doit s'asseoir. Il peut choisir de s'asseoir en face de son représentant. Le commissaire peut aussi leur donner l'instruction de s'asseoir à l'endroit où il pense qu'il pourra le mieux les observer.

Les caméras de chaque salle peuvent être ajustées à distance de manière à en modifier la direction. Chacune est munie d'un zoom. La manette de contrôle à distance pour allumer ou éteindre les caméras, ajuster leur direction et se servir du zoom - manette semblable à celle d'un téléviseur standard - se trouve sur le banc, à côté du commissaire. Ainsi, l'utilisation du zoom dans l'une ou l'autre des salles est à la discrétion du commissaire. En général, l'orientation ou le zoom de la caméra située dans la salle du commissaire n'est pas rajusté pendant l'audience, de sorte que l'image vue par le demandeur d'asile et le représentant dans la salle du demandeur d'asile demeure constante tout au long de l'audience. Cependant, le commissaire peut, de temps à autre, utiliser le zoom pour obtenir une image plus rapprochée du demandeur d'asile ou de toute autre personne prenant la parole dans la salle du demandeur d'asile. Lorsque cela se produit, le représentant est exclu de l'image. Toutefois, ce ne sont pas tous les commissaires qui utilisent le zoom. Il n'est pas inhabituel que la caméra de la salle du demandeur d'asile demeure dans la même position pendant toute l'audience, le demandeur d'asile et le représentant étant tous deux visibles à l'écran.

Dans la salle du commissaire se trouve aussi un petit écran de « rétroaction », hors de la portée de la caméra, sur le banc du commissaire. Il permet à ce dernier de voir l'image de la salle du commissaire qui est transmise dans la salle du demandeur d'asile. À Edmonton et à Winnipeg, la salle du demandeur d'asile comporte aussi des écrans de rétroaction montrant l'image transmise à l'écran de la salle du commissaire. Ainsi, à Edmonton ou à Winnipeg, lorsque le commissaire utilise le zoom pour obtenir une image rapprochée du demandeur d'asile, ce dernier et le conseil peuvent le voir sur l'écran de rétroaction. Cependant, il n'y a aucun écran de rétroaction dans les salles d'audience de Toronto.

Le microphone de la salle du demandeur d'asile est multidirectionnel. Il se trouve au centre de la table et s'allume ou s'éteint au moyen d'un bouton se trouvant sur le microphone. Ainsi, le demandeur d'asile ou son représentant contrôle la portion audio des procédures en provenance de leur salle. Le commissaire peut aussi couper le son provenant de la salle du commissaire. (Lorsque le son est interrompu dans une salle ou dans l'autre, l'écran l'affiche à cet effet.) Dans la salle du commissaire, en plus du microphone multidirectionnel, trois microphones de table traditionnels se trouvent devant le commissaire, l'APR et l'interprète respectivement.

L'audience commence lorsque l'écran de la salle du demandeur d'asile s'allume et que le commissaire paraît à l'écran et commence à parler. Le commissaire débute l'audience de la même manière qu'il le ferait s'il s'agissait d'une audience en personne. Il se peut qu'il fournisse des explications au sujet du matériel vidéo et de son utilisation. L'audience se poursuit ensuite selon la même structure et la même procédure que dans le cas d'une audience en personne. La partie vidéo de l'audience n'est pas dactylographiée. Par conséquent, à l'instar des autres audiences, la seule « transcription » disponible après l'audience est celle qui découle de l'enregistrement audio. (Toutefois, on ne sait pas vraiment si les conseils et leurs clients sont au courant de cette politique.)

Seul un nombre relativement peu élevé d'audiences sur les demandes d'asile se tiennent par vidéoconférence. Des 23 302 audiences sur les demandes d'asile, tenues par la SPR entre septembre 2003 et août 2004, seulement 1 060 (4,5 %) l'ont été par vidéoconférence. Ce pourcentage est plus élevé à certains endroits, surtout à Toronto, à Edmonton et à Winnipeg, où les pourcentages semblent être respectivement de l'ordre de 10 %, 15 % et 22 %Note 2.

La Politique (de la SPR) sur le transfert de dossiers en prévision de la tenue d'audiences par vidéoconférence porte le numéro 2004-01 et est datée du 28 juin 2004. Bien qu'elle soit récente, cette politique traduit la politique appliquée par la Commission depuis le début de l'utilisation généralisée de la vidéoconférence lors des audiences sur les demandes d'asile à Toronto, à l'été de 2003. Elle prévoit que la SPR peut effectuer, à sa discrétion, le transfert des dossiers et l'assignation des cas en prévision d'audiences par vidéoconférence selon les « nécessités du service ». La politique est appliquée lorsqu'il a été déterminé « qu'une ou plusieurs régions ou districts assument une part excessive de la charge de travail » de la SPR et qu'il y a « des capacités des ressources dans d'autres bureaux de la CISR qui ont déjà traité des demandes d'asile de personnes provenant des mêmes pays sources ».

La Commission considère que les demandes d'asile ne se prêtent pas toutes à la tenue d'une vidéoconférence. L'énoncé de politique identifie précisément les cas suivants comme étant inappropriés :

Les cas qui concernent des mineurs non accompagnés et d'autres personnes qui, selon la CISR, ne sont pas en mesure de comprendre la nature de la procédure; les cas qui concernent des personnes détenues (traitement prioritaire); et les cas qui présentent un taux élevé de complexité.

Parmi les cas qui présentent un taux élevé de complexité, l'énoncé identifie en particulier ceux pour lesquels le conseil du ministre intervient et participe à l'audience en personne et les cas qui concernent la participation d'un nombre important de personnes.

Le fait qu'un demandeur d'asile ne soit pas représenté ne constitue pas en soi une raison justifiant que son cas soit exclu de l'application de la politique en matière de vidéoconférence. Dix pour cent des cas de Toronto, qui sont transférés en prévision d'une audience par vidéoconférence, concernent des demandeurs d'asile non représentés.

Bien que le transfert d'un cas et sa désignation aux fins de vidéoconférence soient effectués à l'initiative de la Commission, la politique permet qu'un demandeur d'asile présente une demande visant à ce qu'un cas sélectionné en prévision d'une vidéoconférence soit réaffectée aux fins d'une audience en personne, aux motifs qu'il existe des circonstances faisant en sorte qu'une audience en personne est plus appropriée. De plus, le commissaire auquel le cas a été assigné peut aussi décider, de son propre gré, qu'il s'agit pas d'un cas approprié à la tenue d'une audience par vidéoconférence. Toutefois, bien qu'aucune donnée n'ait été fournie sur ce point, la preuve empirique permet de supposer que ce type de réassignation est rareNote 3.

L'utilisation de la vidéoconférence lors des audiences sur les demandes d'asile a fait l'objet de critiques de la part des avocats et des consultants en immigration et en droit des réfugiés ainsi que de la part d'organisations de défense des réfugiésNote 4.

Au printemps de 2004, la CISR a décidé qu'il était temps d'effectuer une évaluation de l'utilisation de la vidéoconférence lors des audiences sur les demandes d'asile. L'auteur du présent rapport, S. Ronald Ellis, a été mandaté pour effectuer cette évaluation.

Le présent rapport décrit le mandat de l'évaluation, les compétences de son auteur, comment l'évaluation a été menée, l'information dont l'auteur a tenu compte, son analyse de cette information, les conclusions auxquelles il en est arrivé et ses recommandations.

Mandat de l'évaluation

Le mandat de l'évaluation a été défini dans les termes suivants.

Évaluer le recours à la vidéoconférence pour la tenue d'audiences en vue de statuer sur les demandes d'asile afin de déterminer l'incidence que pourrait avoir la technologie sur l'équité des audiences et si cette pratique maintient un équilibre approprié entre l'équité et l'efficacité.

Soulignons que ce mandat ne porte pas sur l'examen de la question juridique qui consiste à déterminer si l'utilisation de la vidéoconférence est compatible, dans un sens technique, avec les exigences de la common law en matière d'équité procédurale ou avec la Déclaration canadienne des droits ou la Charte canadienne des droits. La question pour laquelle le Comité de vérification et d'évaluation voulait obtenir un avis impartial d'un spécialiste des tribunaux administratifs était de déterminer si, en termes d'équilibre raisonnable entre l'équité et l'efficacité, l'utilisation de la vidéoconférence lors d'audiences sur les demandes d'asile peut être considérée appropriée.

En ce qui a trait à la question juridique, on a récemment constaté dans la jurisprudence et ailleurs que l'utilisation de la vidéoconférence lors de procédures judiciaires pour l'obtention de témoignages n'est plus étrangère au droit canadien.

L'article 164 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés est directement pertinent au mandat de l'auteur. Cet article prévoit ce qui suit :

« Les audiences des sections peuvent être tenues en présence de la personne en cause ou en direct par l'intermédiaire d'un moyen de télécommunication. »

Voir aussi la décision de la Cour fédérale dans l'affaire Gonzales (note de bas de page 3 ci-dessus).

Soulignons aussi que le Code criminel comporte maintenant une disposition explicite relativement au témoignage d'un témoin par vidéoconférence. Selon l'article 714.1, le « tribunal peut, s'il l'estime indiqué dans les circonstances […] ordonner au témoin qui se trouve au Canada de déposer au moyen d'un instrument qui retransmet sur le vif, ailleurs au Canada, au juge et aux parties, son image et sa voix et qui permet de l'interroger ».

Des demandes fondées sur cet article ont été entendues par la Cour du Banc de la Reine de l'Alberta dans l'affaire R. c. Dix, [1998] A.J. 486, et par la Cour du Banc de la Reine de la Saskatchewan dans l'affaire R. c. Young, [2000] S.J. 590. Dans la première cause, les demandes ont été autorisées. L'utilisation du témoignage obtenu par vidéoconférence a été estimée inappropriée dans les circonstances entourant la seconde cause. Dans aucun de ces deux cas, la qualité de la vidéoconférence n'était en cause. Dans l'affaire Dix, la Cour a simplement indiqué qu'elle comprenait que la technologie permettait au témoin d'être vu et entendu à partir de l'endroit où il se trouvait ainsi qu'au témoin de voir et d'entendre la procédure se déroulant dans la salle d'audience et l'interrogatoire du conseil. Dans ces deux cas, c'est le témoignage des témoins - et non celui de l'accusé - qui était en cause. On peut présumer que la référence du Code criminel au témoignage des témoins qui est retransmis « sur le vif » ne prétend pas englober la présence virtuelle d'un tiers, c'est-à-dire l'accusé.

La Cour suprême de la Colombie-Britannique a expérimenté à deux reprises l'utilisation de la vidéoconférence pour l'obtention du témoignage d'un témoin. En 2003, dans l'affaire R. c. GibsonNote 5, la Cour a décrit cette expérience en ces termes :

[Traduction]

« La liaison vidéo était tout à fait acceptable. Je pouvais clairement voir et observer le témoin, …, y compris les expressions de son visage et de son langage corporel. En fait, je dirais qu'une caméra bien positionnée peut accentuer les expressions d'un témoin qui subit un contre-interrogatoire… Dans l'ensemble, j'ai la conviction que l'utilisation de la technologie vidéo n'empêche pas la tenue d'un procès équitable et n'entrave aucunement le droit à une défense pleine et entière. »

Ce point de vue confirme une observation formulée antérieurement par cette même Cour dans l'affaire Bradley c. BradleyNote 6 :

[Traduction]

« La vidéoconférence comportait toutes les caractéristiques d'une preuve présentée devant un tribunal, à l'exception de la présence physique du témoin. Rien dans la façon dont les témoins ont témoigné ne permet de supposer que l'emplacement éloigné du tribunal et le mode utilisé pour obtenir la preuve aient eu une quelconque influence sur les témoins. Le contre-interrogatoire s'est bien déroulé, parfois de façon éloquente. Il est difficile de voir comment un autre contre-interrogatoire en présence de la Cour pourrait faire une différence importante. »

La Cour du Territoire du Yukon a aussi fait l'expérience de l'obtention d'un témoignage par vidéoconférence. Elle a estimé qu'il ne présentait aucune difficulté entravant un principe de justice fondamentale. En effet, à son avis, l'utilisation de la vidéoconférence pour obtenir un témoignage a amélioré la capacité du tribunal d'évaluer ce témoignageNote 7.

Toutefois, il est manifeste que les questions juridiques concernant l'utilisation de la vidéoconférence par la SPR ne sont pas encore réglées. Dans la récente décision de la Cour fédérale dans l'affaire Lazo, Sixto Edgar Salinas c. M.C.I.Note 8, un demandeur d'asile s'est adressé à la Cour pour obtenir une ordonnance afin que son audience ne se tienne pas par vidéoconférence. Il a fait valoir que la crédibilité ne pouvait être évaluée équitablement lors d'une audience de ce type et que celle-ci était donc incompatible avec les exigences de la Charte canadienne des droits et de la Déclaration canadienne des droits. La Cour a rejeté la demande d'ordonnance, mais uniquement aux motifs qu'elle était prématurée, puisque la question de l'équité procédurale ne pouvait être soulevée qu'une fois rendue la décision de la SPR.

Il conviendrait peut-être aussi de souligner que, dans les cas portés devant les tribunaux de la Colombie-Britannique et du Yukon, où l'audition des témoignages par vidéoconférence a reçu un accueil favorable de la part des tribunaux, les témoignages en question étaient ceux de témoins, et non de parties ayant un intérêt dans l'issue de la décision.

Compétences de l'auteur

L'auteur n'a pas de compétences précises sur ce sujet ni d'expérience en matière de droit de l'immigration ou des réfugiés ni dans les questions concernant les immigrants et les réfugiés. Il n'a pas non plus d'expérience dans l'utilisation de la vidéoconférence lors d'audiences. L'auteur comprend qu'il a été retenu pour mener cette évaluation surtout en raison de son expertise dans la conception et la gestion des tribunaux administratifs et de son expérience à la fois en tant que conseil en droit administratif et arbitre de tribunal administratif.

Méthodologie de l'évaluation

1. Orientation de l'auteur

L'auteur a rencontré des gestionnaires de la SPR à la fin de juin 2004. Lors de cette rencontre, on lui a fourni de l'information sur la politique de la SPR en matière de vidéoconférence ainsi que sur l'importance de cette stratégie du point de vue de la direction de la Commission. On l'a aussi informé de la nature générale des plaintes que la Commission recevait au sujet de cette politique.

Par la suite, l'auteur a rencontré à Toronto, David Vinokur, avocat-conseil principal, Services juridiques, Commission de l'immigration et du statut de réfugié, qui lui a donné une séance d'information sur la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés pour ce qui est de son application aux demandes d'asile, ainsi que sur les questions de droit et de fait habituellement soulevées lors d'audiences sur les demandes d'asile.

Afin de savoir comment une audience régulière sur une demande d'asile est généralement structurée, l'auteur a assisté à une audience traditionnelle en personne à Toronto.

2. Observation personnelle de l'auteur quant à l'utilisation de la vidéoconférence lors des audiences sur les demandes d'asile

L'auteur a observé environ 10 heures d'audience sur des demandes d'asile tenue par vidéoconférence. Il a assisté à deux audiences dans la salle du demandeur d'asile, au 505, av. University à Toronto. Dans les deux cas, la salle du commissaire se trouvait à Montréal. Il a aussi observé deux audiences à partir de la salle du commissaire à Montréal. Dans ces deux cas, la salle du demandeur d'asile se trouvait à Toronto, au 505, av. University. Ces séances d'observation ont été organisées par la Commission, avec le consentement des demandeurs d'asile, de son conseil et du président de l'audience.

La Commission a offert à l'auteur d'autres occasions d'observer personnellement l'utilisation de la vidéoconférence en cours d'audience, mais l'auteur a estimé que ce n'était pas nécessaire. À moins de tenir le rôle du conseil ou du commissaire - ce qui n'est évidemment pas possible - il y a manifestement une limite à ce qu'il est possible d'apprendre à partir de la simple observation.

3. Entrevues confidentielles de l'auteur avec des conseils

L'auteur a cru qu'il serait important de parler personnellement, en toute confidentialité, avec un certain nombre de conseils possédant une expérience appréciable dans la représentation d'un demandeur d'asile lors d'audiences par vidéoconférence. Par conséquent, à sa demande, la Commission a compilé une liste de tous les conseils ayant représenté un demandeur d'asile lors d'une audience par vidéoconférence dans au moins dix cas au cours des deux dernières années. Cette liste contenait 24 noms. L'auteur en a sélectionné 14 au hasard et a mené une entrevue auprès d'euxNote 9.

4. Sondage confidentiel en ligne auprès des commissaires de la Commission

L'auteur a estimé qu'il existe, à l'évidence, une autre source importante d'information sur la viabilité et la pertinence relatives des audiences par vidéoconférence. Il s'agit des commissaires de la SPR qui possèdent une expérience appréciable en tant que commissaires ayant présidé des audiences sur les demandes d'asile, en personne et par vidéoconférence. Par conséquent, à sa demande, la Commission a identifié 53 commissaires ayant présidé au moins 10 audiences par vidéoconférence. L'auteur les a individuellement invités - par courriel - à participer à un sondage en ligne en leur indiquant clairement que leur participation serait anonyme et que leurs réponses seront confidentielles.

Ce sondage bilingue comportait des questions à choix multiple, des questions ouvertes et des questions nécessitant une courte réponse. Son administration a été confiée à un consultant externe - Intersol, et sa représentante Lise Hebabi - qui a utilisé un logiciel de sondage appartenant à Intersol. En substance, les questions provenaient de l'auteur, mais le sondage a été conçu par Intersol. Il était accessible en ligne, au moyen d'un mot de passe, entre le 2 septembre et le 27 septembre 2004.

5. Sondage confidentiel en ligne auprès des agents de protection des réfugiés

Les agents de protection des réfugiés (APR) constituent, bien sûr, un autre groupe intéressant de spécialistes à consulter, notamment en ce qui a trait à l'efficacité des audiences par vidéoconférence. Non seulement possèdent-ils de l'expérience pour ce qui est d'interroger un demandeur d'asile par le truchement de la caméra et de l'écran vidéo, mais ils disposent aussi d'un point de vue unique pour observer le fonctionnement de cet environnement de commissaires, de demandeur d'asile, de représentants et d'interprètes et le comparer à celui des audiences en personne.

La Commission a identifié 43 APR ayant participé à au moins 10 audiences par vidéoconférence. L'auteur a invité chacun d'eux, par courriel, à participer au même sondage en ligne offert aux commissaires, assorti des mêmes garanties d'anonymat et de confidentialité des réponses.

6. Sondage confidentiel en ligne auprès des interprètes

Les interprètes constituent une autre catégorie de participants aux audiences, dont le point de vue sur l'efficacité des audiences sur les demandes d'asile, tenues par vidéoconférence - comparativement aux audiences en personne - semblait très important pour l'auteur.

La CISR a identifié 51 interprètes ayant pris part à au moins 10 audiences par vidéoconférence. L'auteur les a invités par lettre à participer au sondage, en leur expliquant le but de l'évaluation et en leur garantissant l'anonymat et la confidentialité des réponses. La lettre contenait aussi de l'information sur la manière d'accéder au sondage en ligne au moyen de leur navigateur Web. Le personnel a effectué des appels de suivi auprès de chaque interprète invité afin de s'assurer qu'il connaissait le mot de passe. Le sondage était identique à celui offert aux commissaires et aux APR et était disponible en ligne au cours de la même période de quatre semaines en septembre.

7. Décision de ne pas mener de sondage auprès des demandeurs d'asile

Après que nous ayons décidé d'obtenir les opinions individuelles des diverses catégories de participants à l'environnement des audiences, la Commission a soulevé la question de savoir si les demandeurs d'asile devaient répondre au sondage. De prime abord, cette stratégie semblait aller de soi. Étant donné que la question porte sur l'équité relative d'une audience par vidéoconférence, quoi de plus pertinent que les impressions des demandeurs d'asile sur l'équité des audiences auxquelles ils avaient personnellement pris part?

Cependant, l'auteur a conseillé à la Commission de ne pas adopter cette démarche à ce stade-ci. Étant donné l'importance intrinsèque de cette question, les raisons qui ont motivé l'auteur à formuler ce conseil, dans le courriel qu'il a fait parvenir aux gestionnaires de projet de la Commission, le 10 août 2004, sont énoncées intégralement ci-après :

« Je ne pense pas que l'inclusion des demandeurs d'asile dans un groupe de discussion [l'idée initiale étant que cette consultation avec les demandeurs d'asile pourrait être accomplie au moyen d'un groupe de discussion] produira une preuve utile. Mes raisons sont les suivantes :

  1. Les demandeurs d'asile auront probablement très peu d'expérience en ce qui a trait à l'utilisation de la vidéoconférence dans le cadre d'une audience - soit en général seulement une ou deux occasions. De plus, leur demande d'asile n'aura pas été entendue à la fois dans le cadre d'une audience par vidéoconférence et d'une audience normale. Ils ne disposeront donc en général d'aucun élément de comparaison. Dans ces circonstances, on ne saura pas si cette expérience défavorable (en présumant qu'il s'agit de la réponse fournie par le demandeur d'asile) est attribuable à la vidéoconférence ou simplement au style de conduite de l'audience de ce tribunal en particulier, ou encore à une première réaction naturelle à un environnement d'audience formel dans des circonstances stressantes, ou encore à l'influence du point de vue du représentant du demandeur d'asile à l'égard des audiences par vidéoconférence, etc.
  2. À mon avis, en l'absence d'un interrogatoire approfondi et soigné, il serait difficile de faire la distinction entre la réaction d'un demandeur d'asile à la vidéoconférence et son expérience relativement au fait qu'il a gagné ou perdu sa cause. On peut présumer que les demandeurs d'asile ayant perdu leur cause auront en général un point de vue défavorable et que leur opinion sur l'utilisation de la vidéoconférence sera perçue comme étant tellement influencée par cet aspect négatif (que ce soit le cas ou non) qu'elle ne pourrait servir de preuve utile. L'opinion des demandeurs d'asile ayant gagné leur cause pourrait être plus significative, mais en termes d'évaluation objective, elle serait aussi sujette à caution.
  3. Il est probable qu'il serait beaucoup plus facile d'obtenir la participation de demandeur d'asile à un groupe de discussion dans le cas des demandeurs d'asile ayant gagné leur cause que dans le cas de ceux qui l'ont perdue, ce qui détruirait la nature représentative de l'échantillon.
  4. Il me semble que les demandeurs d'asile approchés pour participer à un groupe de discussion consulteraient d'abord leur représentant et que l'on ne pourrait établir dans quelle mesure l'opinion qu'ils exprimeraient aurait été influencée par leur représentant.

    Un sondage - par opposition à un groupe de discussion - pourrait être conçu pour produire des résultats utiles, mais il s'agirait d'un projet complexe et coûteux. Un sondage qui demanderait simplement aux demandeurs d'asile ayant participé à une audience par vidéoconférence d'indiquer ce qu. ils pensent de cette expérience présenterait les mêmes problèmes qu. un groupe de discussion. Pour être potentiellement utile, ce sondage devrait porter sur des échantillons d'un nombre égal de demandeurs d. asile comportant des caractéristiques comparables, dont les audiences se sont déroulées normalement par vidéoconférence, et examiner la qualité de l. expérience de chaque échantillon par rapport à un certain nombre de critères sélectionnés, tels que dans quelle mesure les demandeurs d'asile se sentaient à l'aise, leur perception quant à l'équité de leur audience, dans quelle mesure ils ont eu l'impression de pouvoir communiquer leur récit, leur perception quant à l'écoute des commissaires, etc.

    Les questions ne feraient pas référence à l'utilisation proprement dite de la vidéoconférence. L'objectif visé serait de comparer les qualités de l'expérience d'audience de deux échantillons et de déterminer si les données d'un échantillon dont les audiences se sont déroulées par vidéoconférence font état d'une qualité considérablement moindre - ou supérieure. Nous aurions alors une preuve utile.

    Toutefois, il s'agit d'un projet majeur. Les critères de sélection des échantillons devraient être établis avec soin. Pour être comparables, les deux échantillons devraient comporter des demandeurs d'asile présentant un éventail égal de difficultés intrinsèques à leur cause, se trouvant dans la même tranche d'âge, affichant une diversité sur le plan de l'ethnie et du sexe, ayant un niveau de scolarité similaire et des capacités ou incapacités linguistiques (en français ou en anglais) semblables - idéalement avec les mêmes représentants, les mêmes commissaires, voire les même interprètes. De plus, le problème du recrutement de demandeur d'asile ayant perdu leur cause serait le même, de sorte qu'il serait difficile de constituer des échantillons comportant un nombre suffisant de demandeur d'asile ayant perdu leur cause. Il serait également difficile de mener ce sondage en utilisant des interprètes - et en ayant à juger de l'influence que les interprètes peuvent avoir sur la compréhension des questions par les demandeurs d'asile et sur la compréhension des réponses par la personne qui effectuerait le sondage.

    Tout bien considéré, je ne crois pas que ce projet soit viable. Chose certaine, il nécessiterait plusieurs moisNote 10. »

8. Examen du point de vue des organisations de défense des réfugiés

La Commission a fourni une copie d'une lettre datée du 6 octobre 2003, adressée au président de la CISR et provenant du Conseil canadien pour les réfugiés (le Conseil). Cette lettre portait à l'attention du président les sérieuses préoccupations du Conseil quant à l'utilisation de la technologie de la vidéoconférence par la CISR lors des audiences sur les demandes d'asile. Elle était accompagnée de la réponse du président, sous forme de lettre datée du 5 novembre 2003. La lettre du Conseil comportait deux pièces jointes : une résolution officielle du Conseil, adoptée en novembre 1998, demandant à la Commission de cesser immédiatement l'utilisation de la vidéoconférence lors des audiences sur les demandes d'asile et les contrôles des motifs de détention ainsi qu'une série de commentaires sur une ébauche de politique concernant l'utilisation de la vidéoconférence par la CISR, en date du 31 août 1999. La Commission a aussi fourni à l'auteur des copies de ces deux derniers documents. L'auteur a examiné avec soin ces quatre documents.

L'auteur a également eu une entrevue téléphonique d'une durée de 40 minutes avec le président de la Refugee Lawyers Association of OntarioNote 11.

9. Consultation auprès d'universitaires du domaine des communications

À la suggestion de la Commission, trois universitaires travaillant dans le domaine des communications ont été consultés : Mark Federman, stratège en chef, McLuhan Management Studies, McLuhan Program in Culture and Technology, Université de Toronto; Martine Lagacé, titulaire d'un doctorat et psychologue sociale à l'Université d'Ottawa, dont l'expertise en recherche porte sur la psychologie de la communication, en particulier dans le contexte de la communication interpersonnelle et organisationnelle; et le professeur Liora Salter, MSRC, sociologue et directrice des études supérieures à la Osgoode Hall Law School, Université York. M me Salter est également affectée à la Faculté des études environnementales. De plus, elle est professeur adjoint à l'Institute for the History and Philosophy of Science and Technology de l'Université de Toronto. Le champ d'étude de M me Salter est la sociologie et le droit, tout particulièrement en ce qui a trait à la science des communications dans ces domaines. Elle publiera sous peu un livre intitulé Plainspeak: Getting Legal and Scientific Information into the Hands of the Public.

Pour des raisons de commodité, le présent rapport fait référence à ces trois spécialistes universitaires en utilisant le terme « scientifiques ».

L'auteur a demandé à chacun des scientifiques d'effectuer une recherche documentaire dans leur domaine respectif et de porter à son attention les études et les rapports qui, à leur avis, étaient tout particulièrement pertinents en matière de vidéoconférence. L'auteur les a aussi rencontrés individuellement et chacun d'eux a fourni un résumé écrit de son analyse de la documentation et de son point de vue quant à l'utilisation de la vidéoconférence lors des audiences sur les demandes d'asile. Des exemplaires de leurs rapports intégraux ainsi que des curriculum vitæ détaillés se trouvent dans les dossiers de la Commission.

Nous avons aussi obtenu auprès du National Justice Institute une copie d'une présentation donnée en décembre 2003, lors d'une conférence des juges à Banff, en Alberta, par Stephen Porter, titulaire d'un doctorat, de la Faculté de psychologie de l'Université de Dalhousie, intitulée Issues in Credibility Assessments: The Truth About Lies, laquelle porte sur le rôle de l'évaluation du comportement pour déterminer la crédibilité. Le National Justice Institute a aussi fourni de la documentation d'autorité judiciaire récente sur le même sujet.

10. L'expérience et la pratique dans d'autres pays

La Commission a effectué un sondage sur l'utilisation de la vidéoconférence lors des audiences sur les demandes d'asile dans d'autres pays.

11. Comparaison statistique des résultats

À la demande de l'auteur, le service statistique de la CISR a effectué une étude comparative explicite du pourcentage de décisions favorables et défavorables dans les cas des demandes d'asile, dont la décision a été rendue lors d'une audience en personne ou lors d'une audience par vidéoconférence.

Données et renseignements recueillis

Dans la présente section du rapport, le lecteur trouvera, entre autres, un vaste exposé de ce que l'auteur a dégagé de ses entrevues auprès des conseils ainsi qu'un vaste exposé de ce qui est ressorti des réponses des commissaires, des APR et des interprètes aux sondages en ligne. L'auteur a estimé que le détail de ces entrevues et de ces réponses était important pour lui permettre de comprendre la portée de ces enjeux. Il les présente ici afin de permettre au lecteur intéressé d'acquérir cette même compréhension.

1. Information dégagée des entrevues téléphoniques de l'auteur auprès des conseils

Comme il est indiqué ci-dessus, l'auteur (afin de faciliter la lecture, je ferai désormais référence à moi-même en parlant de façon informelle à la première personne) a mené des entrevues téléphoniques auprès de 14 avocats ou consultants (appelés ci-après, par commodité, « conseils » ou « répondants ») qui, d'après les dossiers de la Commission, ont participé à au moins 10 audiences sur les demandes d'asile, tenues par vidéoconférence, au cours des deux années précédentesNote 12. Parmi les personnes figurant sur la liste de la Commission comme ayant participé à au moins 10 audiences par vidéoconférence, 20 exerçaient dans la région de Toronto, deux à Winnipeg et deux à Edmonton. Aucun conseil exerçant ailleurs qu'à Toronto, à Winnipeg et à Edmonton ne satisfaisait aux critères.

Pour la première série d'entrevues, j'ai sélectionné, de façon arbitraire, un nom sur deux de la liste de Toronto et les deux noms figurant sur la liste de Winnipeg et d'Edmonton. J'avais l'intention d'effectuer cette première série d'entrevues et, à la lumière des résultats, de déterminer s'il serait souhaitable de poursuivre les entrevues dans le cas des autres noms de la liste. Lors de la première série d'entrevues, deux des personnes sélectionnées n'étaient pas disponibles et deux autres noms, provenant de la liste de Toronto, ont été ajoutés, sélectionnés cette fois de manière à assurer l'équilibre des sexes. En bout de ligne, j'ai effectué une entrevue auprès de 14 conseils - 10 de la région de Toronto, deux de Winnipeg et deux d'Edmonton. Je ne connaissais aucun de ces conseils avant les entrevues (à l'exception d'un conseil qui m'a rappelé, pendant l'entrevue, qu'il avait assisté à mes cours à Osgoode, vers 1978). Étant donné que les entrevues de ces 14 répondants n'ont pas révélé d'importants écarts de point de vue, j'ai conclu à la fin des entrevues que je n'y gagnerais rien de plus en élargissant les entrevues à un plus grand nombre de conseils de Toronto.

La prépondérance des conseils provenant de Toronto lors des audiences par vidéoconférence n'était pas inattendue, puisque l'on sait que la majeure partie des demandes d'asile entendues par vidéoconférence ont à l'origine été déposées à Toronto.

La collaboration de chaque conseil a été sollicitée au moyen d'une lettre de ma part, envoyée par courriel en mon nom par la Commission. La lettre expliquait mon mandat et était accompagnée de ma biographie professionnelle et d'une série de questions que je poserais pendant l'entrevue. Elle garantissait que la participation à ces entrevues se ferait de façon anonyme et globale. Le personnel de la Commission a assuré la gestion de l'horaire des rendez-vous.

Soulignons que ce groupe n'a fait l'objet d'aucune autosélection. Chaque conseil sélectionné pour faire l'objet d'une entrevue a accepté d'y participer.

Les questions de l'entrevue se lisent comme suit. Il s'agit en substance des mêmes questions utilisées dans le cadre des sondages menés auprès des commissaires, des APR et des interprètes.

Questions de l'entrevue

  1. À quel titre prenez-vous part aux audiences sur les demandes d'asile?
  2. À environ combien d'audiences sur les demandes d'asile avez-vous participé au cours des deux dernières années?
  3. Veuillez indiquer les villes jumelées où se sont tenues par vidéoconférence les audiences sur les demandes d'asile auxquelles vous avez-pris part au cours des deux dernières années.
  4. Où vous trouviez-vous en général lorsque vous avez pris part à des audiences sur les demandes d'asile, tenues par vidéoconférence?
  5. Quelle expérience avez-vous de la vidéoconférence dans d'autres contextes?
  6. Depuis septembre 2003, la CISR a perfectionné sa technologie de la vidéoconférence à certains endroits. Depuis, avez-vous constaté une différence quant à la qualité des audiences sur les demandes d'asile, tenues par vidéoconférence?
  7. Si vous avez l'impression que la qualité s'est améliorée, quelles sont les principales améliorations?
  8. Si vous avez l'impression que la qualité s'est détériorée, quels sont les principaux problèmes ou enjeux?
  9. D'après vous, quels sont les principaux avantages et points forts des audiences sur les demandes d'asile, tenues par vidéoconférence, comparativement au style traditionnel des audiences de la CISR?
  10. D'après vous, quels sont les principaux désavantages et points faibles des audiences sur les demandes d'asile, tenues par vidéoconférence, comparativement au style traditionnel des audiences de la CISR?
  11. Si vous comparez votre expérience des audiences par vidéoconférence aux audiences traditionnelles en personne de la CISR, quel est votre niveau de confiance personnelle envers la justesse des décisions rendues?Note 13
  12. Comme vous le savez peut-être, l'utilisation de la vidéoconférence par la CISR lors des audiences ne concernant pas les demandes d'asile est une pratique relativement courante depuis un certain nombre d'années. Cette pratique n'a pas soulevé tellement de critique ni de controverse. À votre avis, les audiences sur les demandes d'asile comportent-elles un élément unique qui présente des difficultés particulières dans un environnement d'audience par vidéoconférence?
  13. Si l'on décidait que la vidéoconférence lors des audiences sur les demandes d'asile devait demeurer et si l'on vous confiait la responsabilité de faire en sorte que cette technologie soit utilisée au mieux, quelles modifications, s'il en est, apporteriez-vous aux dispositions et aux protocoles actuels?
  14. Avez-vous des commentaires sur ces questions?
  15. Avez-vous d'autres commentaires?

Si quelque chose d'autre vous vient à l'esprit après notre conversation, n'hésitez pas à communiquer avec moi au [numéro de téléphone de l'auteur].

J'ai commencé les entrevues en téléphonant aux conseils sélectionnés, au moment convenu. Je me suis présenté et j'ai décrit ce que je proposais de faire durant l'entrevue.

J'ai pris des notes écrites détaillées au cours de l'entrevue et je les ai personnellement dactylographiées immédiatement après l'entrevue. Il ne s'agit pas uniquement d'une copie des notes écrites, mais plutôt d'une version plus complète et plus minutieuse de l'entrevue. La Commission a reçu une copie de ces transcriptions.

Les réponses aux questions 2, 3 et 4 ont fourni les données suivantes. L'estimation des 10 répondants de Toronto quant au nombre total d'audiences sur les demandes d'asile auxquelles ils ont chacun pris part au cours des deux années précédentes totalisait 3 163, dont 306 par vidéoconférence - soit environ 10 %. L'estimation des deux répondants de Winnipeg quant au nombre d'audiences sur les demandes d'asile auxquelles ils ont pris part totalisait 180, dont 40 par vidéoconférence - soit environ 22 %. Par coïncidence, l'évaluation des répondants d'Edmonton à cet égard totalisait aussi 180, dont 25 par vidéoconférence - soit environ 15 %.

Bien entendu, ces chiffres sont loin d'être précis. Les répondants ne travaillaient pas à partir de dossiers, mais de mémoire. On leur demandait simplement de fournir leur meilleure estimation. De plus, on ne devrait pas accorder une trop grande importance aux pourcentages. Ils constituent une estimation moyenne sur une période de deux ans. On ne peut affirmer qu'ils reflètent nécessairement la proportion actuelle des audiences sur les demandes d'asile, tenues par vidéoconférence. En outre, ces chiffres ne tiennent pas compte du nombre de cas où le demandeur d'asile n'est pas représenté. Toutefois, rien ne permet de présumer que la proportion des audiences transférées aux fins de vidéoconférence est en train de changer et, comme nous l'avons vu ci-dessus, la proportion des demandes d'asile non représentées à Toronto, qui ont été transférées en prévision d'une vidéoconférence au cours de la dernière année, s'élevait aussi à 10 %.

Au cours des audiences par vidéoconférence, tous les répondants assistaient toujours à l'audience, en compagnie de leurs clients, dans la salle du demandeur d'asile, dans leur ville de résidence, soit Toronto, Winnipeg ou Edmonton. Cependant, l'endroit où se situait la salle du commissaire variait. À Toronto, les répondants ont indiqué, de mémoire, que Montréal était l'endroit où se trouvait la salle du commissaire dans 80 % des audiences par vidéoconférence, Calgary se classant au second rang avec environ 15 %, Vancouver à la troisième place avec environ 5 % et Ottawa dans seulement deux cas.

À Winnipeg, les chiffres correspondants étaient les suivants : Calgary 78 %, Montréal 13 % et Vancouver 10 %. À Edmonton, ils étaient les suivants : Calgary 91 % et Montréal 9 % (en fait, seulement deux cas).

L'expérience des répondants en ce qui a trait à la vidéoconférence dans des contextes autres qu'une audience sur les demandes d'asile (question 5) s'est révélée surtout confinée à l'utilisation de la vidéoconférence par la CISR lors du contrôle des motifs de détention. À une seule exception près, tous les conseils possédaient une expérience appréciable de la vidéoconférence dans cet environnement. Les autres contextes mentionnés sont les suivants : les « enquêtes » (1 répondant), les auditions des appels en immigration (1), les audiences en vue de la mise en liberté dans les questions de droit criminel (1), les enquêtes sur le cautionnement (également dans un contexte de droit criminel) (1) et les réunions de formation de la CISR (1).

Ma préoccupation antérieure, à savoir que les améliorations portant sur la qualité de la technologie de la vidéoconférence, que la Commission a commencé à apporter à certains endroits en septembre 2003, soient un facteur de confusion dans l'évaluation de l'importance des expériences décrites par les répondants (motif de la question 6) s'est révélé sans fondement. Neuf des 14 répondants ont indiqué n'avoir remarqué aucun changement de technologie. Quatre répondants ont constaté une amélioration du matériel - image plus claire, meilleur son et meilleure synchronisation entre le son et l'image - mais il était manifeste qu'ils répondaient à mes questions en faisant référence au nouveau matériel. Les deux autres répondants ont aussi indiqué n'avoir remarqué aucun changement de matériel, mais ont déclaré avoir constaté que les commissaires de la CISR étaient de plus en plus à l'aise dans l'utilisation du matériel.

Les réponses aux questions 7 et 8 sont couvertes par le paragraphe précédent.

La question 9 demandait aux répondants leur point de vue sur les avantages de l'utilisation de la vidéoconférence lors des audiences sur les demandes d'asile, comparativement aux audiences en personne. Treize répondants sur 14 ont indiqué d'emblée qu'il n'y en avait aucun. Et ce n'est pas que le seul dissident approuvait l'utilisation de la vidéoconférence lors des audiences sur les demandes d'asile, c'est simplement qu'il y voyait des avantages importants, dont certains avantages personnels reliés à l'administration de sa pratique. Toutefois, les répondants ont reconnu de façon générale que la vidéoconférence était avantageuse pour la Commission du point de vue de l'efficacité. Environ la moitié des répondants ont admis que, si la vidéoconférence était le prérequis essentiel pour accélérer la tenue des audiences, ce serait un élément plaidant en sa faveur. Cependant, ce groupe n'a pas concédé qu'il n'existait aucun autre moyen d'accélérer la tenue des audiences et était d'avis que d'autres options devraient être envisagées.

La question 10 a fourni aux répondants l'occasion de décrire ce qu'ils estimaient être les désavantages et les points faibles des audiences sur les demandes d'asile, tenues par vidéoconférence. À cet égard, les répondants ont fourni des réponses très élaborées. On y retrouve les divers enjeux, présentés sur une forme ou une autre. J'ai organisé ces réponses en « thèmes principaux » et en « questions supplémentaires ».

Thèmes principaux

  1. Onze des 14 répondants ont discuté fermement et directement du problème de l'évaluation de la crédibilité. Ils ont souligné que la crédibilité constitue une question déterminante dans la plupart des audiences sur les demandes d'asile et qu'il est tout spécialement difficile de l'évaluer en raison des différences de culture et de langage de même que du stress que vivent les demandeurs d'asile qui témoignent. Ils étaient convaincus que l'évaluation de la crédibilité d'un demandeur d'asile par un commissaire - et la crédibilité de tout autre témoin - est considérablement entravée par le fait que le commissaire ne peut observer le demandeur d'asile ou le témoin qu'à l'écran. Comme l'un des répondants l'a indiqué : « J'ai perdu un certain nombre de cas que, j'en suis persuadé, j'aurais gagné dans le cadre d'une audience en personne, et j'en ai gagné un certain nombre que, pour être franc, j'aurais peut-être perdues dans le cadre d'une audience en personne. »

    Les répondants de Toronto en particulier croient que les commissaires ne peuvent voir clairement le visage des demandeurs d'asile ou des témoins, qu'ils ne peuvent regarder le demandeur d'asile dans les yeux, qu'ils ne peuvent voir les réactions du visage ou d'autres signes traditionnels de la crédibilité ou d'autres nuances du comportement du demandeur d'asile ou du témoin. (J'utilise le mot « croient » parce que, sans un écran de rétroaction à Toronto, ces conseils ne peuvent juger de ce que le commissaire voit de leur client qu'en présumant que cette image est similaire à ce qu'ils, les conseils, voient du commissaire. Comme nous le verrons, cette présomption est souvent erronée).

    L'un des répondants a raconté qu'il a pris part à une série d'audiences en matière de détention concernant un client en particulier et qu'il voyait le client à l'écran (dans la plupart des audiences en matière de détention, le conseil se trouve au même endroit que le commissaire, et le client est seul dans une salle éloignée). Pendant ces audiences, qui ont duré de longues heures, il percevait son propre client, qu'il n'avait pas rencontré, comme étant « un individu étrange », « une sorte d'artéfact à l'écran », « à l'aspect dur », probablement « un peu dangereux ». Ces circonstances ont fait en sorte que son client a obtenu une audience en personne, au cours de laquelle un autre commissaire et le conseil ont rencontré cette même personne dans une petite salle. Dans ce contexte, le client s'est révélé être une personne « abordable » et « cette fois, il a été libéré ».

    L'un des répondants, qui a indiqué ne pas être un « fanatique de la question », était néanmoins d'avis que la crédibilité est importante et que « cet écran artificiel en rend l'évaluation plus difficile ».

    De l'avis de ces 14 répondants, les conséquences d'une mauvaise évaluation de la crédibilité peuvent être si importantes dans les cas de demande d'asile que l'on ne devrait avoir recours à aucune technologie qui entrave clairement l'évaluation de la crédibilité.

  2. La moitié des répondants se sont vivement opposés à la vidéoconférence en raison de sa nature impersonnelle. Ils ont affirmé de diverses façons qu'il s'agit d'un processus mécanique et impersonnel et que, pour des demandeurs d'asile qui ont vécu des expériences horribles et difficiles et qui doivent en faire le récit - leur avenir, et parfois leur vie, étant en jeu - ce moyen est « dégradant et humiliant ».

    Les réponses suivantes reflètent les sentiments sur cette question : « le caractère profondément impersonnel de l'environnement des audiences constitue le principal problème »; « il est déraisonnable que les demandeurs d'asile n'aient aucun contact personnel direct avec les personnes décidant de leur sort »; « le commissaire s'assoit derrière l'écran vidéo et il n'existe aucune sorte de dynamique personnelle [possible] »; « si un commissaire n'éprouve pas de sympathie envers le demandeur d'asile, l'absence de contexte personnel de la vidéoconférence lui permettra facilement de conserver cette attitude »; « la vidéo permet trop facilement la mesquinerie »; « un commissaire rend souvent une décision défavorable, et ferme ensuite l'écran »; « les clients veulent faire part de leurs sentiments et [obligés de parler à un écran vidéo] ils ont l'impression de ne pas pouvoir le faire ».

  3. Dix des répondants ont identifié en tant que problème majeur le fait que l'interprète se trouve à distance, en compagnie du commissaire. (Un répondant a indiqué d'emblée que ce fait ne s'est pas révélé problématique.)

    Un certain nombre d'aspects de ce problème ont été identifiés. Premièrement, on a indiqué qu'il n'existe aucune possibilité de dynamique personnelle entre l'interprète et le demandeur d'asile - aucune possibilité que le demandeur d'asile et l'interprète se parlent en attendant que l'audience commence ou pendant les pauses. D'après l'expérience des répondants, ces conversations contribuent en général, de façon importante, à mettre à l'aise le demandeur d'asile, tant avec l'interprète qu'avec l'environnement de l'audience en général.

    De plus, comme les interprètes se trouvent à distance, les répondants estiment que la coordination entre le témoignage et la traduction est considérablement plus difficile. Lorsque l'interprète se trouve à proximité du demandeur d'asile - ou de tout autre témoin - dans le cadre d'une audience en personne, le demandeur d'asile peut signaler à l'interprète de ralentir, en lui touchant simplement le bras. Lorsque l'interprète se trouve dans la salle du commissaire, ce type de contrôle discret n'est pas possible.

    Un certain nombre de répondants ont aussi fait mention des difficultés soulevées, lorsqu'il est nécessaire d'obtenir la traduction de documents qui se trouvent dans la salle du demandeur d'asile et que l'interprète n'est pas présent dans cette salle.

    En outre, lorsque l'interprète ne se trouve pas à proximité du demandeur d'asile, il est impossible d'effectuer des « traductions simultanées » - c'est-à-dire la fourniture d'une explication par l'interprète, à n'être entendue que par le demandeur d'asile, relativement à ce que disent les divers participants. Il semble que ce ne soit pas une technique avec laquelle tous les répondants sont familiers - ou utilisent - mais deux répondants ont fait référence à l'utilisation de cette technique, pendant qu'ils présentaient leur argumentation finale, comme moyen de ne pas être fréquemment interrompus pour permettre la traduction - interruptions qui, à leur avis, entravent le débit de l'argumentation et, par conséquent, son efficacité.

  4. Dix répondants ont fait mention des répercussions défavorables de la vidéoconférence sur l'interaction de leurs clients et sur leur propre interaction avec le président de l'audience.

    Ils ont souligné que l'on ne peut voir les yeux du commissaire et, souvent, la plupart des traits de son visage, de sorte qu'il est difficile d'évaluer la réaction du commissaire à un témoignage ou à une argumentation. L'un des répondants a indiqué ce qui suit : « À l'écran, les commissaires ne sont que de petits bonhommes-allumettes. Je ne les connais pas et je ne peux voir leurs réactions. » Un autre a déclaré : « Ce n'est en fait qu'une audience audio - je ne peux voir le commissaire et je ne crois pas qu'il peut voir le demandeur d'asile. » Autre réaction d'un répondant : « Je ne pouvais savoir qui il était - juste une petite figure sur un petit écran. » Enfin, un autre répondant a indiqué ce qui suit : « Non seulement le commissaire a-t-il besoin de voir mon client, mais mon client et moi avons aussi besoin de le voir. »

    Lorsque le commissaire est de race noire, l'éclairage est tel qu'il semble virtuellement impossible de voir son visage. Deux répondants ont indiqué avoir vécu cette expérience en particulier. (Ils en ont déduit que, lorsque leur client est de race noire, le commissaire ne peut voir son visageNote 14.)

    De plus, cinq répondants ont fait mention de l'incapacité d'interagir de façon informelle avec le commissaire, lorsque l'audience est suspendue pour les repas ou à un autre moment. Cette interaction est un élément qui, à leur avis, a souvent de l'importance pour assurer la progression efficace d'une audience, ce qui fait totalement défaut dans le cas d'une audience par vidéoconférence.

    Deux répondants ont ajouté que l'utilisation de la vidéoconférence signifiait qu'ils traitaient toujours avec des commissaires qu'ils ne connaissaient pas et qui ne les connaissaient pas. Ainsi, la capacité normale d'un conseil d'établir, avec le temps, une relation de travail avec des commissaires, où chacun connaît le style et les caractéristiques de l'autre, sait à quoi s'attendre, etc., n'aboutissait à rien dans le cas d'une vidéoconférence avec des commissaires d'une autre ville. Par exemple, on a cité le cas d'un commissaire dissuadant un demandeur d'asile ou un conseil d'approfondir un élément en particulier du récit du demandeur d'asile. Lorsque le conseil connaît le commissaire, il peut savoir si cela signifie que le commissaire accepte cet élément du récit. Toutefois, s'il ne connaît pas le commissaire, l'expérience suggère qu'il ne peut tirer cette conclusion.

    L'un des répondants a indiqué ce qui suit : « Ce qui me manque le plus, c'est la relation avec les commissaires. »

  5. Huit répondants ont commenté le fait que les clients leur ont spécifiquement indiqué qu'ils n'aimaient pas la vidéoconférence, qu'à l'évidence, elle leur causait du stress et de l'anxiété. « La plupart des clients ont peur de la caméra. » On a fourni l'exemple d'un demandeur d'asile anglophone qui était journaliste dans son pays d'origine et qui connaissait les processus judiciaires de ce pays. Il a été « affolé » par la vidéoconférence.
  6. Cinq répondants ont indiqué avoir fait régulièrement l'expérience de problèmes techniques - images floues; son coupé ou non? (conversation confidentielle entre le conseil et le client entendue par tous); image coupée ou gelée au cours de l'audience; retour du son, de temps à autre, de sorte qu'une personne s'entend parler après coup; difficulté à mettre en marche le matériel; audiences annulées parce que le matériel ne fonctionne pas. Un répondant a évalué que près de 40 % des audiences par vidéoconférence auxquelles il a participé ont été retardées ou annulées en raison de problèmes de matériel. Un autre répondant a évalué cette proportion à 10 %. Cependant, la majorité des répondants n'ont pas signalé ce type de difficultés.
  7. Quatre répondants ont estimé que la gestion des documents pendant l'audience était un « problème important ». Cette situation survenait chaque fois que des documents étaient produits à la dernière minute par le demandeur d'asile, donc présents dans la salle du demandeur d'asile, mais non dans la salle du commissaire. Il semble que cette expérience ne soit pas rare. On peut télécopier des documents à la salle du commissaire, à partir de la salle du demandeur d'asile - et certaines salles disposent d'un scanneur - mais ce matériel ne fonctionne pas toujours bien. Par exemple, certaines pièces d'identité sont conçues pour ne pas être copiées et ne peuvent donc pas être transmises par télécopieur. Lorsque ce dernier fonctionne, il faut souvent compter environ 30 minutes avant que le document télécopié ne se retrouve dans les mains du commissaire. La description suivante, faite par un répondant, illustre la nature du problème : il s'agit d'une situation où l'on a rapproché le document de la caméra dans l'espoir que l'interprète se trouvant dans l'autre ville soit en mesure de le déchiffrer de cette manière.

Questions supplémentaires

  1. Complication accrue de l'administration de la pratique très chargée d'un répondant, son bureau devant déposer à temps des documents en les faisant parvenir par courrier à différents endroits éloignés - c.-à-d., de Toronto à Vancouver, de Toronto à Calgary.
  2. Deux répondants ont fait mention des problèmes logistiques et administratifs créés par le décalage horaire entre l'endroit où se trouve la salle du demandeur d'asile et celui où se trouve la salle du commissaire. Si un cas de Toronto est entendu à Calgary ou à Vancouver, il débutera en général à 15 h ou à 16 h, heure de Toronto, et se terminera parfois tard en soirée. Des répondants signalent qu'eux et leurs clients se sont retrouvés en train de participer à l'audience, pendant qu'ils se trouvaient seuls dans les locaux devenus vacants de Toronto, sans la protection des dispositions d'urgence ou de sécurité spéciale qui sont normalement disponibles pendant les heures régulières, et qu'ils ont dû quitter un édifice non éclairé et verrouillé lorsque l'audience a pris fin.
  3. Deux répondants ont fait mention du problème suivant : le commissaire qui visualise à distance la salle du demandeur d'asile n'a pas de contrôle sur la salle de l'audience où le témoignage est fourni. On a cité des exemples de membres de la famille qui, hors caméra, conseillaient le demandeur d'asile à l'insu du commissaire. Dans deux cas distincts, on a constaté que les enfants du demandeur d'asile lui fournissaient des réponses écrites sur un bloc de papier. Les répondants tentent de gérer cette situation et estiment qu'il est très difficile et stressant de représenter le client, d'une part, et de faire la discipline dans la salle d'audience, d'autre part.
  4. Deux répondants se sont fortement objectés à l'absence de toute présence officielle de la Commission dans la salle du demandeur d'asile au début de l'audience. Ils se sont plaints du fait que le demandeur d'asile est dirigé vers une salle d'audience où il n'y a aucun responsable officiel pour le recevoir, lui expliquer ce qui est sur le point de se passer, mettre en marche le matériel ou expliquer son fonctionnement, offrir une aide si quelque chose tourne mal, présenter le commissaire qui entendra le cas - pour garantir, en fait, qu'il s'agit bel et bien d'une procédure officielle de la CISR. Ils ont indiqué que, très souvent, l'audience ne débute pas à temps et que, tout ce que le demandeur d'asile et son représentant savent, c'est que l'écran est vide. Ils attendent là pendant 20 ou 30 minutes. Rien ne se passe. Personne ne vient les aviser de ce qui ne va pas. À un moment donné, le conseil effectue un appel interurbain au bureau de Montréal : « Est-ce que l'audience a lieu? »; « Sommes-nous au bon endroit? »; « Quand l'audience commencera-t-elle? », etc. À Toronto, on a indiqué à certains répondants que les réceptionnistes de la Commission n'avaient pas le temps de répondre à ces demandes de renseignements.
  5. Y-a-t-il un problème de sécurité? Un répondant a indiqué qu'il se demandait si les demandeurs d'asile pouvaient être assurés que, lors de ces audiences, la transmission via satellite d'un témoignage, qui est souvent de nature très privée et parfois dangereuse, ne pouvait pas être captée par des personnes non autorisées.

À la question 11, on a demandé aux répondants d'indiquer comment ils compareraient leur niveau de confiance envers la justesse d'une décision rendue dans le cadre d'une audience par vidéoconférence et d'une décision rendue par le biais d'une audience traditionnelle en personne. On leur a demandé de choisir l'une des réponses suivantes : « beaucoup plus élevé dans le cas des audiences par vidéoconférence », « plus élevé dans le cas des audiences par vidéoconférence », « le même », « plus élevé dans le cas des audiences en personne » ou « beaucoup plus élevé dans le cas des audiences en personne ». Six répondants ont choisi la réponse « beaucoup plus élevé dans le cas des audiences en personne ». Cinq répondants ont choisi la réponse « plus élevé dans le cas des audiences en personne ». Un répondant a fourni une réponse entre « élevé » et « beaucoup plus élevé » dans le cas des audiences en personne. Deux répondants ont indiqué : « cela dépend » - de la qualité du commissaire. Si le commissaire est très compétent et dévoué, il sera probablement en mesure de surmonter les obstacles que comporte la vidéo, de sorte que, selon les deux répondants, il n'y aura probablement pas de différence quant au résultat de l'audience. Si le commissaire n'est pas aussi compétent, la probabilité que la décision rendue soit judicieuse est « beaucoup plus élevée » dans le cas d'une audience en personne.

Aucun répondant n'a estimé que la vidéoconférence justifiait un niveau de confiance élevé envers la justesse de la décision rendue ou qu'il n'existait aucune différence quant à leur niveau de confiance entre une audience par vidéoconférence et une audience en personne.

La question 12 portait sur l'impression de la Commission, selon laquelle l'utilisation de la vidéoconférence dans les cas ne concernant pas les demandes d'asile, pratique courante depuis un certain nombre d'années, n'a pas tellement soulevé de critique ou de controverseNote 15. Compte tenu de cette expérience, j'étais intéressé de savoir comment les répondants expliquaient la réception différente du recours à la vidéoconférence lors des audiences sur les demandes d'asile, comparativement à son utilisation dans d'autres contextes de la Commission.

Six répondants ont estimé que l'impression de la Commission n'était pas justifiée. À leur avis, le recours à la vidéo dans d'autres contextes de la Commission était également injuste et inadmissible. Toutefois, il était manifeste que même ces six répondants ne s'opposaient pas à l'utilisation de la vidéo dans d'autres contextes, aussi fortement que dans le cas des audiences sur les demandes d'asile.

Tous étaient unanimes pour dire que comparer les audiences sur les demandes d'asile aux contrôles des motifs de détention et à d'autres audiences de la Commission revenait à comparer des pommes et des oranges. Dans le cas des audiences ne concernant pas les demandes d'asile, en particulier les contrôles des motifs de détention, la crédibilité est rarement en cause et les faits, rarement contestés. En général, le demandeur d'asile ne témoigne pas; l'audience consiste surtout à présenter au commissaire les arguments du représentant du demandeur d'asile. De plus, au contraire des contrôles des motifs de détention, la décision rendue dans le cas d'une audience sur une demande d'asile est finale et une décision erronée a des conséquences d'un niveau de gravité tout à fait différent. Comme l'indique un répondant, l'audience sur une demande d'asile représente le dernier recours du demandeur d'asile pour vivre au Canada et échapper aux dangers de son pays d'origine.

Soulignons aussi que, dans le cas des contrôles des motifs de détention, contrairement aux audiences sur les demandes d'asile, le représentant du demandeur d'asile se trouve dans la même salle que le commissaire, ces derniers observant le demandeur d'asile à l'écran de télévision.

La question 13 demandait aux répondants ce qu'ils suggéraient pour améliorer la tenue par vidéoconférence des audiences sur les demandes d'asile, si l'on devait continuer d'avoir recours à cette technologie. En général, les répondants étaient réticents envers cette question, parce qu'ils n'étaient pas à l'aise avec la prémisse. Cependant, bien qu'un répondant ait déclaré n'avoir aucune idée à suggérer, la plupart des répondants avaient des suggestions à formuler.

Dans le cas de huit répondants, la réaction immédiate a été d'indiquer que la première chose qu'ils feraient consisterait à placer les interprètes dans la salle du demandeur d'asile, en compagnie du demandeur d'asile et de son représentant. Un répondant a indiqué qu'il placerait aussi l'APR dans la salle du demandeur d'asile. Cinq répondants amélioreraient le matériel : écrans plus grands, meilleur éclairage des participants, similarité accrue avec la télévision. Un répondant a suggéré que le contrôle du zoom de la caméra de la salle du commissaire soit confié au représentant du demandeur d'asile, de sorte qu'il puisse choisir d'agrandir l'image du commissaire à l'écran. Plusieurs répondants ont suggéré d'apporter des changements aux critères de sélection d'un dossier à transférer en prévision d'une vidéoconférence. Un répondant a suggéré qu'il serait peut-être justifié d'utiliser la vidéoconférence dans le cas de la poursuite d'une audience. Il a fait l'expérience de la poursuite, par vidéoconférence, d'une audience tenue initialement en personne, et tout semble s'être bien déroulé, à son avis, parce que le commissaire, le demandeur d'asile et le représentant avaient tous eu l'occasion de créer une sorte de relation personnelle ou de relation de confiance au cours de l'audience en personne. D'autres répondants réserveraient la vidéoconférence aux entrevues tenues dans le cadre du processus accéléré ou aux conférences préparatoires à l'audience de cas complexes.

Autres suggestions : meilleure formation des commissaires quant à l'utilisation de la technologie; meilleure explication et présentation dans la salle du demandeur d'asile au début de l'audience; ne pas utiliser la technologie si le commissaire désigné ou le représentant du demandeur d'asile n'a pas d'expérience; faire en sorte qu'il n'y ait pas plus de deux visages à l'écran en même temps; s'assurer que les documents originaux du cas se trouvent dans la salle du commissaire et que des photocopies de ces documents se trouvent dans la salle du demandeur d'asile; établir une règle prévoyant que, dans le cas d'une audience par vidéoconférence, une décision finale défavorable ne puisse pas être transmise à l'audience.

D'un point de vue logistique, un répondant établirait un point central pour le dépôt des documents et confierait à la Commission la responsabilité de distribuer ces documents aux endroits éloignés.

La question 14 invitait les répondants à commenter les questions qu'on leur avait posées. Aucun répondant n'a éprouvé de problèmes avec ces questions. La question 15 donnait au répondant la possibilité d'ajouter tout autre point non couvert par les questions. Le seul élément pertinent dans le cadre de la présente évaluation est le suivant : un répondant était d'avis que la stratégie du recours à la vidéoconférence marginalisait le rôle du conseil lors des audiences sur les demandes d'asile, de la même façon que cela s'était produit avec la mise en vigueur de la politique de l'interrogatoire dans l'ordre inverse. Il a souligné que, pour que le commissaire puisse voir clairement le demandeur d'asile, le conseil doit être « retiré de l'image » et que l'interaction du conseil avec le commissaire est, pour diverses raisons, considérablement entravée.

2. Information dégagée des sondages confidentiels en ligne auprès des commissaires, des agents de protection des réfugiés et des interprètes

L'invitation à participer à ces sondages anonymes en ligne a été envoyée à 55 commissaires, 43 APR et 51 interprètes. Vingt-cinq commissaires (45 %), 16 APR (37 %) et 17 interprètes (31 %) y ont répondu. Les questions de fond des questionnaires en ligne étaient les mêmes, pour chaque groupe, que celles de mon sondage auprès des conseils. Les participants ont reçu les mêmes garanties d'anonymat et de confidentialité des réponses.

Les sondages ont été administrés par Intersol et les résultats, compilés par une représentante d'Intersol, Lise Hebabi. Une copie du rapport d'Intersol, qui porte sur les trois sondages, se trouve dans les dossiers de la CISR.

En termes généraux, les différences entre les perceptions des conseils, décrites dans mon rapport sur les entrevues de ces derniers, et les perceptions des répondants de ces trois groupes sont très marquées. Il serait à peine exagéré de dire que la perception des conseils est dans la plupart des cas défavorable, tandis que chez les commissaires, les APR et les interprètes, au moins la majorité ont une perception favorable à l'égard des audiences par vidéoconférence.

Avant de fournir des résultats plus détaillés de ces sondages, il est intéressant de préciser à quel endroit se trouvent les répondants de chacun de ces groupes.

Parmi les 25 commissaires répondants, 11 se trouvent à Montréal, huit à Vancouver, cinq à Calgary et un à un endroit non précisé.

Parmi les 16 APR répondants, 12 se trouvent à Montréal, trois à Calgary et un à Vancouver.

Parmi les 16 interprètes répondants, sept se trouvent à Montréal, quatre à Calgary, quatre à Vancouver et deux à Winnipeg.

Il est également intéressant de souligner que les commissaires répondants étaient, pour la plupart, des commissaires chevronnés. Dix-huit des 25 commissaires avaient présidé plus de 100 audiences sur les demandes d'asile et cinq, entre 50 et 100 audiences. Les deux autres commissaires avaient présidé plus de 10, mais moins de 50 audiences. Leur expérience des audiences par vidéoconférence était moins intense, mais demeurait importante. Cinq commissaires avaient présidé plus de 50 audiences par vidéoconférence et 15, entre 10 et 50. L'expérience de cinq commissaires du groupe se limitait à moins de 10 audiences par vidéoconférence.

Les 16 APR possédaient aussi, pour la plupart, une vaste expérience. Onze d'entre eux avaient participé à plus de 100 audiences sur les demandes d'asile, deux avaient pris part à plus de 50 audiences sur les demandes d'asile, un à plus de 10 audiences et seulement un à moins de 10 audiences. Leur expérience des audiences par vidéoconférence était moindre, mais demeurait assez importante : deux avaient participé à plus de 50 audiences, neuf avaient pris part à plus de 10 audiences et cinq avaient participé à moins de 10 audiences.

L'expérience des 16 interprètes était comparable. Sept d'entre eux avaient participé à plus de 100 audiences sur les demandes d'asile, trois à plus de 50, quatre à plus de 10 et un à moins de 10. L'un des interprètes n'a pas répondu à cette question. Leur expérience des audiences par vidéoconférence était également, pour la plupart, comparable à celle des autres groupes. Trois d'entre eux avaient participé à plus de 50 audiences, six à entre 10 et 50, et six à moins de 10.

Lorsqu'on a demandé aux commissaires d'identifier les « villes jumelées » où ils avaient participé à des audiences par vidéoconférence au cours des deux dernières années, on a obtenu 11 fois Toronto-Montréal, huit fois Toronto-Vancouver, cinq fois Toronto-Calgary, cinq fois Winnipeg-Calgary et quatre fois Edmonton-Calgary.

L'expérience des 16 APR était davantage concentrée sur les audiences Toronto-Montréal : 12 fois Toronto-Montréal, trois fois Winnipeg-Calgary, deux fois Toronto-Calgary et une fois Toronto-Vancouver.

L'expérience des 16 interprètes répondants était répartie plus également, soit sept fois Toronto-Montréal, cinq fois Toronto-Vancouver, quatre fois Winnipeg-Calgary, trois fois Toronto-Calgary et trois fois Edmonton-Calgary.

La réponse des 25 commissaires à la question 11, laquelle leur demandait de comparer leur niveau de confiance envers la justesse de leurs décisions dans le cadre d'une audience qu'ils auraient présidée de manière traditionnelle et une audience par vidéoconférence, contrastait tout particulièrement avec les réponses correspondantes des conseils répondants. Vingt commissaires ont indiqué qui n'existait aucune différence quant à leur niveau de confiance entre les deux types d'audience. Seulement quatre commissaires ont indiqué que l'audience traditionnelle leur procurait un niveau de confiance « plus élevé ». Aucun des commissaires n'a indiqué que l'audience traditionnelle leur procurait un niveau de confiance « beaucoup plus élevé ».

Les 16 APR ont exprimé un niveau similaire de confiance envers l'efficacité de l'audience par vidéoconférence dans la production de décisions relativement judicieuses. Onze APR étaient d'avis qu'il n'existait aucune différence et seulement trois pensaient que l'audience traditionnelle pourrait justifier un niveau de confiance « plus élevé ». Deux APR se sont abstenus de répondre.

L'opinion des 16 interprètes variait davantage. Neuf d'entre eux étaient d'avis qu'il n'existait aucune différence, quatre pensaient que l'audience traditionnelle pouvait susciter un niveau de confiance « plus élevé » et trois estimaient que l'audience traditionnelle pouvait justifier un niveau de confiance « beaucoup plus élevé ».

Soulignons qu'aucun répondant des trois groupes n'a indiqué que les audiences par vidéoconférence procuraient un niveau de confiance plus élevé envers la décision rendue, comparativement aux audiences traditionnelles en personne.

En réponse à la question 9, qui demandait aux répondants d'énumérer les avantages du recours à la vidéoconférence lors des audiences sur les demandes d'asile, les trois groupes partageaient largement le même avis. À quelques exceptions près, les avantages qu'ils voyaient étaient tous reliés à la vidéoconférence en tant qu'outil permettant de gérer plus efficacement les ressources de la Commission de diverses manières.

Lorsqu'on leur a demandé d'identifier les désavantages ou les problèmes associés à la vidéoconférence (question 10), trois commissaires et deux interprètes ne pouvaient penser à aucun désavantage digne de mention. Les désavantages ou les problèmes énumérés par les autres répondants de ces trois groupes en réponse à cette question peuvent, à l'instar de la liste comparable découlant de mes entrevues auprès des conseils, être répartie entre deux catégories : thèmes principaux et questions supplémentaires.

Thèmes principaux

  1. Les problèmes reliés à la gestion des documents lors des audiences par vidéoconférence constituaient la principale préoccupation d'un fort pourcentage de répondants. Quatorze des 25 commissaires répondants en ont particulièrement fait mention, comparativement à six des 16 APR et à deux des 16 interprètes.
  2. Venaient ensuite, par ordre de priorité, les limites perçues en matière d'évaluation de la crédibilité dans le cas des audiences par vidéoconférence. On y a fait référence de diverses manières, mais ces limites relèvent toutes de la catégorie des problèmes reliés à l'évaluation du comportement au moyen de cette technologie. Huit commissaires y ont fait référence, comparativement à quatre APR et à trois interprètes.
  3. Le problème suivant le plus souvent mentionné a trait à la nature impersonnelle et potentiellement aliénante d'une audience par vidéoconférence. Cinq commissaires, quatre APR et un interprète ont plus particulièrement fait mention de cet aspect. Ce problème est considéré tout particulièrement grave dans les cas d'allégations d'abus physique ou sexuel ou de torture.
  4. Cinq répondants - un commissaire, un APR et trois interprètes - ont émis des commentaires sur les problèmes reliés au fait que les interprètes ne se trouvent pas dans la même salle que les demandeurs d'asile. À cet égard, le principal problème soulevé avait trait à l'incapacité de maîtriser efficacement les demandeurs d'asile qui parlent trop vite.

Questions supplémentaires

  1. Divers pépins techniques. (4) Il a été fait mention à trois reprises de l'éclairage inadéquat de la salle du commissaire à Vancouver.
  2. Problèmes particuliers que soulèvent les demandeurs d'asile non représentés. (4) Ces quatre répondants étaient manifestement d'avis que l'on ne devrait pas avoir recours à la vidéoconférence lorsqu'un demandeur d'asile n'est pas représenté.
  3. Les victimes d'abus physique ou sexuel ou de torture peuvent éprouver de la difficulté à témoigner devant un écran de télévision. (4)
  4. Problèmes de son. (4)
  5. Les audiences ont tendance à être plus longues. (3)
  6. Les audiences sont plus fatigantes. (2)
  7. Problèmes logistiques que soulève le décalage horaire. (2)
  8. Manque de personnel, de soutien technique à la fin de l'audience du demandeur d'asile. (2) Toronto est perçue comme présentant un problème particulier à cet égard.
  9. L'hostilité des avocats envers la vidéoconférence, surtout à Toronto, entrave et complique les audiences. (2)
  10. La participation de conseils provenant d'autres provinces, qui n'ont pas l'habitude des procédures et des règles de la province où le dossier a été transféré, constitue parfois un problème. (1)
  11. Complications relatives à la gestion du dossier, qui découlent de son transfert. (1)

En réponse à la question de savoir si les audiences sur les demandes d'asile présentaient des aspects uniques, comparativement aux autres audiences dans d'autres contextes de la CISR, qui pourraient expliquer l'opposition à laquelle la Commission fait face en ce qui a trait à la tenue par vidéoconférence des audiences sur les demandes d'asile, opposition à laquelle elle ne fait pas face dans la même mesure lorsqu'elle utilise cette technologie dans ces autres contextes (question 12), les commissaires, les APR et les interprètes avaient tendance à penser que non. Douze des 25 commissaires, huit des 16 APR et huit des 16 interprètes étaient d'avis qu'il n'existait pas vraiment de différence importante. Bien entendu, il s'agit de points de vue qui diffèrent radicalement de ceux exprimés par les conseils.

Cependant, aucun répondant de ces trois groupes n'a indiqué qu'il n'y avait aucune différence. Cinq commissaires, deux APR et un interprète ont admis que, dans le cas des audiences sur les demandes d'asile, la crédibilité était en général une question plus importante. Un commissaire, quatre APR et deux interprètes ont indiqué, de diverses façons, que le « facteur humain » était différent - par exemple, les réfugiés ont souvent un récit traumatisant, caractéristique que l'on ne retrouve pas en général dans les autres types d'audience (2); la preuve est en général plus détaillée (1); et la documentation est souvent plus complexe (1).

La question 13 demandait aux répondants ce qu'ils suggéraient pour améliorer le protocole ou la technologie.

Cinq commissaires, trois APR et deux interprètes étaient d'avis qu'aucune amélioration n'était nécessaire.

La nécessité de résoudre le problème de la documentation - soit la possibilité d'avoir accès aux documents et de pouvoir les évaluer pendant l'audience - est une préoccupation qui a été soulevée par six commissaires, quatre APR et un interprète.

À cet égard, les suggestions étaient les suivantes : faire en sorte que le « scanneur » fonctionne adéquatement, assurer une meilleure gestion des télécopieurs, scanner automatiquement tous les documents du dossier d'un cas devant faire l'objet d'une vidéoconférence à l'ordinateur et fournir aux demandeurs d'asile et aux conseils ainsi qu'au commissaire et à l'APR un accès en cours d'audience aux documents par le biais d'un portable.

L'amélioration de la technologie a fait l'objet de plusieurs suggestions. Un commissaire a indiqué qu'il faudra la rendre plus fiable; un autre commissaire et deux interprètes ont suggéré d'améliorer la clarté de l'image; deux autres interprètes ont recommandé de résoudre les problèmes de son; et un autre commissaire a indiqué qu'il faudrait des contrôles manuels plus faciles. De plus, un commissaire, un APR et deux interprètes installeraient des écrans plus larges ou des écrans multiples, de sorte que la caméra puisse rapprocher l'image d'un demandeur d'asile ou d'un autre témoin, tout en permettant de surveiller le demandeur d'asile en arrière-plan et de continuer à observer l'interaction entre les autres personnes présentes dans la salle.

Trois commissaires et un APR n'autoriseraient pas l'utilisation de cette technologie lorsque le demandeur d'asile n'est pas représenté.

Deux commissaires organiseraient mieux le soutien du personnel au cours des audiences.

Un commissaire et un APR modifieraient les stratégies de mise au rôle afin de prévoir une marge de manœuvre permettant d'accélérer la mise au rôle dans le cas de la poursuite d'une audience par vidéoconférence.

Un APR et un interprète pensent que l'on devrait mieux former les commissaires en ce qui a trait à l'utilisation du matériel. De plus, un APR était d'avis que l'on devrait fournir des livrets d'instruction aux demandeurs d'asile et aux conseils. Dans le même ordre d'idées, un interprète a suggéré qu'au début de chaque audience, l'interprète ait l'occasion de décrire la technologie au demandeur d'asile et de lui expliquer comment elle sera utilisée.

Les autres suggestions provenaient de source individuelle, mais bon nombre d'entre-elles n'étaient pas dénuées d'intérêt. Il s'agit des suggestions suivantes : créer un service de vidéoconférence national spécialisé et n'attribuer les audiences par vidéoconférence qu'à des commissaires de ce service; n'utiliser la vidéoconférence que si le conseil l'a acceptée à l'avance; les interprètes devraient se trouver en compagnie des demandeurs d'asile (cette suggestion ne provient pas d'un interprète, mais d'un commissaire); faire en sorte que le demandeur d'asile et le conseil soient assis l'un à côté de l'autre, à une même table, de sorte que la caméra puisse agrandir l'image du demandeur d'asile, sans perdre celle du conseil; ne pas permettre le contrôle de la caméra dans la salle du demandeur d'asile [cette suggestion laisse entendre que ce type de contrôle est actuellement disponible, ce que personne d'autre ne m'a laissé entendre]; fournir à l'APR une manette de contrôle à distance et son propre écran de rétroaction; faire en sorte que les traductions simultanées demeurent possibles [ceci nécessiterait une liaison téléphonique distincte entre l'interprète et le demandeur d'asile]; tenir des audiences dans une plus grande salle; avoir de plus petites tables; ne pas prévoir la tenue des audiences Toronto-Vancouver le vendredi après-midi; améliorer l'éclairage à Vancouver.

Un seul répondant - un interprète - n'avait rien à suggérer, et un autre interprète a refusé de proposer des suggestions, car il n'aimait pas l'idée d'envisager la vidéoconférence en tant que solution à long terme.

À la question 14, on a demandé aux répondants d'ajouter tout autre commentaire, opinion ou information qu'ils croyaient pertinent dans le cadre de l'évaluation. Au cours des entrevues téléphoniques auprès des conseils, cette question n'a pas suscité tellement de renseignements supplémentaires. Les réponses des conseils aux questions antérieures leur avaient permis, dans la plupart des cas, d'exprimer tout ce qu'ils voulaient dire. Cependant, dans le cas des sondages en ligne menés auprès des commissaires, des APR et des interprètes, de nombreux répondants ont profité de cette question ouverte pour résumer leur point de vue ou mettre l'accent sur ce qu'ils croyaient être particulièrement important. Afin de m'assurer que le lecteur du présent rapport comprend bien, non seulement la nature, mais aussi le ton général et l'emphase du point de vue des répondants, j'ai choisi d'énoncer intégralement ci-après les réponses à la question 14.

Je commencerai par les réponses des commissaires. Quinze des 25 commissaires ont répondu à la question 14. Trois ont indiqué qu'ils n'avaient rien à ajouter et sept n'ont pas répondu. Les réponses se lisent comme suit :

  • Je suis d'avis que l'utilisation de la vidéoconférence ne nuit nullement aux demandeurs d'asile. Je ferais toutefois une exception dans les cas de demandes d'asile de mineurs et dans les cas où le représentant du solliciteur général interviendrait.
  • Ce n'est pas la meilleure façon de mener une audience, mais c'est adéquat.
  • On doit s'assurer que la salle d'audience est prête. Cela peut inclure de vérifier s'il y a du papier dans le télécopieur et s'il n'y a rien en mémoire (il m'est arrivé d'ajouter du papier et que le télécopieur imprime 75 pages avant que je puisse l'utiliser).
  • Ces audiences sont bien meilleures que je ne l'avais prévu - pas de véritables problèmes de communication - ma principale préoccupation concerne le point de vue des demandeurs d'asile - leur réaction au fait que le décideur ne se trouve pas dans la salle - cela a-t-il un impact sur la manière dont ils témoignent et ont-ils l'impression que justice est rendue?
  • Notre région a recours à la vidéoconférence pour la tenue des audiences depuis longtemps, et notre expérience est favorable. Très peu d'audiences sont reportées ou ajournées en raison de problèmes techniques. Réciproquement, de nombreuses audiences qui devraient être reportées pendant des mois peuvent avoir lieu grâce à la vidéoconférence. Lorsque nous avons commencé à tenir des audiences de cette façon avec Toronto, les conseils se sont opposés vigoureusement à cette façon de faire, mais après quelques mois, ils avaient tous mis fin à leurs objections, s'étant habitués au processus. Les économies de temps, de coûts et d'usure normale reliée aux déplacements des commissaires ainsi que leur vie familiale font en sorte que la vidéoconférence est une option très souhaitable pour les régions comme la nôtre.
  • À l'interne, la CISR a besoin d'assurer une meilleure communication et un niveau plus élevé de responsabilité à l'endroit où le tribunal n'est pas présent. J'ai souvent l'impression que Toronto ne se préoccupe pas de ce qui nous arrive.
  • Jusqu'à présent, je n'ai eu à traiter que de vieux cas datant de trois ou quatre ans et, dans un cas, de cinq ans. La majorité des pays traités concernaient la Hongrie, la Bulgarie, et, dans un cas le Soudan, un autre l'Ouzbékistan et, dans deux cas, le Pérou. La majorité des situations portaient sur les Roms, la violence conjugale et un problème de nature politique. La plupart de ces cas posaient des problèmes importants de crédibilité qui ont entraîné une forte proportion de décisions défavorables. Mais j'ai eu aussi des décisions favorables. La vidéoconférence ne m'a pas empêché de bien faire mon travail et les demandeurs d'asile ont eu les mêmes chances de s'expliquer que s'ils avaient été en salle, présents avec moi.
  • Les cas doivent être mieux préparés afin d'éviter ce qui constitue actuellement un problème - l'incapacité de procéder parce que le cas n'est pas prêt - le demandeur d'asile n'est pas représenté et ne sait pas ce qui se passe - les cas liés à une même famille ne devraient pas être entendus à deux semaines d'intervalle, l'une à Montréal et l'autre à Toronto.
  • Il faut prévoir un programme national qui permettra d'indiquer aux demandeurs d'asile, après qu'ils ont transmis leur Formulaire de renseignements personnels, où se tiendra leur audience et avec quelle région. Par exemple, le demandeur d'asile pourrait arriver à Toronto, mais pour des raisons d'efficacité administrative, la demande serait entendue par vidéoconférence par un commissaire se trouvant à Montréal. Cela rendrait le processus plus efficace et permettrait une véritable politique nationale qui pourrait répondre aux besoins ponctuels.
  • J'estime qu'il s'agit d'une initiative important qui contribue grandement aux services offerts par la Commission et qui facilite aussi la gestion de la charge de travail et de la productivité..
  • C'est un outil efficace.
  • Je ne connais pas le coût lié à l'utilisation de la vidéoconférence, comparativement à la méthode traditionnelle, mais j'imagine qu'il est moins coûteux à long terme d'utiliser ce matériel.
  • Au début, j'avais beaucoup de réserve au sujet des vidéoconférences. Aujourd'hui je considère que, dans 95 % des cas, tout va très bien et je ne crois pas que le demandeur d'asile soit défavorisé par ce processus - bien au contraire.
  • Personnellement, j'apprécie la vidéoconférence. Exception faite de quelques conseils, la majorité de ceux-ci acceptent ce changement et apprécient que la CISR finalise les demandes plus tôt qu'ils ne l'avaient prévu. De plus, les excellents interprètes que nous retenons pour les vidéoconférences ont aussi contribué à créer un climat professionnel. En outre, lorsque nous avons commencé à tenir des audiences par vidéoconférence, pour les deux pays que l'on nous avait assignés, les demandes remontaient à plusieurs années. Aujourd'hui, nous sommes en mesure de régler les demandes liées à ces pays dans un délai de six mois suivant l'arrivée des demandeurs d'asile au Canada. Voilà qui est remarquable et devrait être applaudi par tous les Canadiens. Je suis vivement en faveur de la vidéoconférence pour toutes les raisons que j'ai énoncées ci-dessus, et bien d'autres que je pourrais verbaliser. Toutefois, je dois me rendre à ma prochaine audience.
  • Je considère que la vidéoconférence devrait demeurer une pratique à la CISR. J'estime qu'il s'agit d'un moyen efficace et plaisant de tenir les audiences. On m'a affirmé que le demandeur d'asile et le commissaire ne peuvent pas établir une relation par vidéoconférence, mais j'ai personnellement constaté que ce n'est pas le cas. La capacité de rapprocher l'image permet de voir assez clairement les expressions du visage du demandeur d'asile et son langage corporel - lorsque le zoom est utilisé de façon respectueuse et non par intimidation (c.-à-d. image très rapprochée pendant de longues périodes), cette méthode se révèle, à mon avis, utile et non menaçante.

Voici les réponses des APR à la question 14. Seulement six des 16 APR ont fourni des commentaires (un APR a indiqué qu'il n'avait rien à ajouter et neuf APR n'ont pas répondu). Par conséquent, on doit lire les commentaires suivants en gardant à l'esprit qu'ils ne reflètent pas nécessairement un point de vue représentatif de l'opinion des APR. Toutefois, on peut présumer qu'il s'agit de points de vue bien arrêtés. Ces réponses se lisent comme suit :

  • Je considère que cette technologie est un avantage qu'il faut continuer à utiliser.
  • J'estime que la vidéoconférence est TRÈS satisfaisante. Au début, il y a eu quelques problèmes concernant la capacité d'utiliser la technologie, mais avec de la pratique et de la formation, ces problèmes ont pu être facilement surmontés. Je considère que la qualité audio et vidéo est excellente. Je ne vois aucun désavantage important à utiliser la vidéoconférence, que ce soit sur un plan pratique ou du point de vue de fournir au demandeur d'asile une audience équitable. Lors des quelques vidéoconférences auxquelles j'ai participé, je n'ai éprouvé aucune difficulté, sauf en ce qui a trait à la documentation et à la confusion reliée à l'utilisation des appareils. Il s'agit de deux problèmes qui peuvent se régler facilement.
  • Personnellement, je ne vois aucune difficulté en ce qui a trait à la vidéoconférence dans 95 % des cas (voir la question 13). Mon expérience de cette technologie est très favorable. J'ai beaucoup plus de difficulté en ce qui concerne le fait que l'interprète communique par téléphone.
  • Les conseils ont indiqué qu'ils pensaient que la vidéoconférence ruinerait leur pratique. Conséquences étranges : un grand nombre de demandeur d'asile ont abandonné leurs avocats de Toronto pour venir à Montréal. De plus, le style de représentation est différent - formulaire de renseignements à Toronto, présentation à Montréal, règles très différentes entre les deux provinces en ce qui a trait à l'aide juridique - dossier très épais à Toronto, mais pas lu à Montréal parce que l'on a pas l'habitude d'une documentation aussi volumineuse. Certains ont l'impression qu'il existe un écart entre les premiers demandeurs d'asile qui ont fait l'expérience de ce système et les demandeurs d'asile ultérieurs. Cela ne signifie pas nécessairement que les décisions rendues sont erronées, mais uniquement qu'il s'agit d'une expérience très différente.
  • À mon avis, la Commission doit réfléchir sur les effets cumulatifs de ces nombreuses réformes procédurales récentes en matière d'audiences par vidéoconférence. Par exemple, les directives du président sur la tenue des audiences, en particulier en ce qui a trait à l'ordre des interrogatoires (prévoyant que l'APR ou le commissaire interroge en premier le demandeur d'asile), créent une dynamique dans la salle d'audience qui est tout à fait à l'opposé de ce qui était, il n'y a pas si longtemps, une audience directe devant trois commissaires, où le premier interrogatoire était mené par le conseil. Je ne suis pas contre l'utilisation de la vidéoconférence. Je suis favorable à ce que la CISR l'utilise. En effet, la Commission a certainement besoin de s'ouvrir aux changements et d'adopter de nouvelles façons de faire plus efficaces. L'utilisation de la vidéoconférence est largement compatible avec ces principes. Cependant, je crois que la Commission doit être consciente de son impact global sur les processus des tribunaux et être sensible à son impact sur les différents demandeurs d'asile dans des circonstances spécifiques.
  • Je pense que la technologie ne devrait pas disparaître. Les cas peuvent ainsi être répartis à différents endroits afin de s'assurer que le cas d'un demandeur d'asile est entendu peu de temps après son arrivée au Canada. Les coûts indirects, liés à un demandeur d'asile qui attend pendant deux ou trois ans que son cas soit entendu (recours à l'assurance-maladie et à l'aide sociale lorsqu'une demande est refusée, etc.), devraient être comparés aux coûts que la CISR doit engager pour offrir cette technologie. On devrait aussi utiliser cette technologie pour observer comment d'autres APR et commissaires travaillent à Toronto. Il s'agit peut-être d'un moyen d'obtenir une meilleure harmonisation des décisions.

Enfin, voici les réponses des interprètes à la question 14. Seulement huit des 16 interprètes ont fourni des commentaires (quatre ont répondu qu'ils n'avaient rien à ajouter et cinq n'ont rien répondu). Par conséquent, le lecteur doit garder à l'esprit que ces commentaires ne sont pas nécessairement représentatifs du point de vue de tous les interprètes.

Ces réponses se lisent comme suit :

  • Le langage corporel et l'émotion ne passeront jamais aussi bien à la caméra qu'en personne. Comme la crédibilité est une question importante dans chaque cas, cette difficulté constitue vraiment un désavantage pour le demandeur d'asile. En tant qu'interprète, je pense que la communication est moins naturelle et que l'on passe plus de temps à répéter. Lorsque plusieurs personnes parlent en même temps, une interprétation exacte est quasi impossible.
  • CLARTÉ…
  • Non, je trouve ennuyant que les avocats préparent mal le client.
  • Je pense que certaines personnes se sentent intimidées lorsque leur audience se tient par vidéoconférence, mais à mon avis, on peut faire en sorte qu'une personne se sente à l'aise de témoigner devant une caméra, tout comme si elle le faisait en personne. Je me sens très à l'aise dans les deux types d'audience. Comme je l'ai mentionné, la seule chose qui fait une différence, ce sont les personnes visées.
  • Je pense que la vidéoconférence est une bonne chose. On peut voir clairement l'expression du visage des demandeurs d'asile et il est possible de tenir l'audience de manière rapide et équitable, si chacun accepte le processus. C'est uniquement lorsqu'une personne n'est pas d'accord avec cette façon de faire qu'un problème peut survenir.
  • J'ai une très grande expérience en interprétation simultanée, reconnue par plusieurs ministères, tant au niveau du gouvernement provincial du Québec qu'au gouvernement fédéral du Canada. Sous cette lumière, je souligne encore et encore, que SEUL le contact professionnel en personne donnera une objectivité concernant les décisions des commissaires désignés par la CISR, au cours des audiences.
  • Je peux uniquement affirmer qu'en ma qualité d'interprète, je me suis très bien adapté à ce système. Je crois que la vidéoconférence est un formidable atout pour la CISR en permettant aux endroits occupés du pays d'obtenir de l'aide pour réduire leur charge de travail et, ainsi, permettre au système de fonctionner plus rapidement.
  • Il faudrait peut-être retirer les microphones qui ne sont pas utilisés afin qu'il soit plus facile pour les demandeurs d'asile de savoir où parler.

3. Information dégagée de la consultation auprès des scientifiques

Mark L. Federman

D'après sa compréhension de la science des communications et de son examen de la documentation scientifique portant sur les enjeux soulevés par l'utilisation de vidéoconférence lors des audiences par vidéoconférence, M. Federman offre le conseil suivant (énoncé dans le dernier paragraphe de son rapport).

[Traduction] Dans leur chapitre sur les « genres », McLuhan et Watson décrivent diverses approches narratives et illustrent les divers effets qui en découlent ainsi que leur utilité particulière lorsqu'il s'agit de raconter des types spécifiques de récits. Lorsqu'on considère ce chapitre d'un point de vue global, il devient manifeste que McLuhan et Watson font en fait référence aux différences culturelles par le biais des récits qu'ils ont choisis en tant qu'exemples. Leur message devient clair : il existe des différences de signification entre les cultures, non seulement en raison des différences de contextes culturels - quoiqu'il s'agisse d'un facteur déterminant - mais aussi en raison de la manière dont chaque culture perçoit, sur le plan sensoriel, les événements, et comment le récit proprement dit est conçu et, par conséquent, est reçu.

La Commission de l'immigration et du statut de réfugié évalue la recevabilité des demandeurs d'asile à demeurer au Canada après qu'ils aient déposé une demande d'asile. Voilà ce qu'elle fait. Ainsi, en termes médiatiques, c'est son contenu. En tant que médium, son message consiste à déchiffrer et à créer une signification à partir de multiples contextes culturels qui interagissent - le demandeur d'asile, dans le contexte de son pays d'origine et de ses circonstances socio-politiques, face au commissaire dans le contexte du Canada, doit surmonter le conditionnement contextuel de son propre pays d'origine. Il s'agit d'un défi énorme! Le fait de multiplier la complexité de ces « questions de culture » par les effets de médiation créés par la vidéoconférence ouvre la porte à la possibilité importante que surviennent des incohérences, des inexactitudes et un mauvais jugement. (C'est Ellis qui met l'emphase sur la dernière phrase.)

Martine Lagacé, titulaire d'un doctorat

M me Lagacé a examiné la documentation scientifique afin de repérer des articles approuvés par des collègues et contenant les mots clés qui lui semblaient importants. Elle a retenu environ 1 600 articles (dont quelques livres), qui couvraient un vaste éventail de sujets et de questions portant sur la vidéoconférence. Elle a ensuite examiné les résultats de sa recherche et a sélectionné 50 articles (dont quelques livres) particulièrement pertinents et intéressants relativement aux questions portant sur la vidéoconférence. Des extraits de ces articles et de ces livres sont joints à son rapport. Voici son résumé de ses constats et de ses observations :

[Traduction] L'examen de la documentation révèle que la recherche universitaire sur les répercussions psychologiques de la vidéoconférence est surtout liée a) aux soins de santé ou de psychiatrie; b) à l'éducation ou à l'apprentissage à distance; et c) au milieu de travail en général ou aux entrevues d'emploi, aux discussions de groupe, au règlement des conflits, etc. Très peu d'études portent spécifiquement sur l'utilisation de la vidéoconférence lors des audiences sur les demandes d'asile. De plus, de nombreuses études ne font pas spécifiquement référence à la vidéoconférence, mais à la communication assistéeNote 16 en général (par exemple, communication par ordinateur, par téléconférence, par courriel, etc.). Par conséquent, les observations du présent rapport sont surtout tirées et extrapolées des résultats d'articles publiés et approuvés par des collègues (et quelques livres) en ce qui a trait à l'utilisation de la vidéoconférence dans le contexte des soins de santé, de l'éducation et du milieu de travail en général. Ces articles portent surtout sur des questions liées au jugement, à la prise de décision et à l'efficacité des communications, en comparant la communication en personne à la communication assistée.

Les résultats tirés des articles identifiés reflètent une preuve mitigée des répercussions psychologiques de la communication assistée (y compris la vidéoconférence), comparativement à la communication en personne. Certains chercheurs font valoir qu'il existe une interaction favorable et plus efficace dans le cas de la vidéoconférence, tandis que d'autres estiment que la communication assistée ne comporte pas tous les avantages observés dans le cas des interactions en personne (en particulier les signes non verbaux, comme l'expression du visage, le regard, la posture, etc.). À cet égard, il est intéressant de souligner que de nombreux chercheurs en communication et en psychologie considèrent que ces signes non verbaux constituent le fondement et la partie la plus révélatrice de la communication interpersonnelle.

Les résultats contradictoires ci-dessus peuvent s'expliquer en partie par le fait qu'il n'existe peut-être pas de relation directe entre le type de canal de communication et les répercussions psychologiques. Les études semblent suggérer que des variables importantes entrent en jeu dans cette relation. La nature de la communication pendant laquelle on a recours à la vidéoconférence et les facteurs liés à la personnalité pourraient être des variables médiatrices. En d'autres termes, les études montrent que la vidéoconférence ne semble pas exercer un impact psychologique direct (qu'il soit favorable ou défavorable) - son impact est davantage examiné par le biais des variables médiatrices. Le paragraphe qui suit explique ces variables de façon plus détaillée.

La nature de la communication fait référence au contexte spécifique dans lequel la communication a lieu; les facteurs liés à la personnalité ont trait aux différences individuelles. Par exemple, en ce qui a trait à la nature de la communication, certaines études ont révélé que, dans le contexte d'une entrevue d'emploi, certains candidats préfèrent un type de communication assistée comme type d'interaction plus efficace. Toutefois, même parmi ces études, la preuve demeure mitigée. Dans le cas des études évaluant des entrevues au cours desquelles de l'information de nature délicate devait être fournie, les résultats sont plus clairs : les participants sont plus à l'aise dans un type de communication en personne pour fournir de l'information de nature délicate (Sussman, Sproull, 2001). De plus, lorsque la séance de communication comporte de l'information à caractère très émotif, les études indiquent que la communication en personne constitue une interaction plus efficace, comparativement à la communication assistée. Ces résultats peuvent s'expliquer en partie par le fait que les situations très émotives doivent être évaluées au moyen de signes verbaux et non verbaux (en particulier par le contact du regard), une rétroaction immédiate et un langage naturel. Il se peut aussi que ces situations émotives donnent lieu à des entrevues moins structurées; dans ces circonstances, les participants préfèrent la communication en personne (Chapman, 2002).

Les facteurs liés à la personnalité ont trait aux différences individuelles qui peuvent aussi influer sur l'impact psychologique de la vidéoconférence. Les chercheurs soulignent l'importance de tenir compte de ces facteurs liés à la personnalité lorsqu'il s'agit d'évaluer l'efficacité d'une communication assistée. Par exemple, les personnes vulnérables (d'un point de vue psychologique) préfèrent les interactions en personne, où les signes non verbaux sont parfois plus révélateurs que le langage en soi. Dans le même ordre d'idées, les études soulignent aussi la difficulté de communiquer au moyen d'un canal assisté lorsque les personnes présentent un fardeau psychologique. Par exemple, Mc Daniel (2003) souligne le fait que les patients ayant subi de graves traumatismes, qui peuvent présenter un diagnostic de personne marginale ou paranoïaque, risquent de mal réagir à une communication assistée.

Dans les paragraphes qui précèdent, l'emphase qui est mise sur certains passages - en utilisant les caractères gras et les italiques - figure dans l'original.

Les conclusions de M me Lagacé sont énoncées dans le passage suivant :

Le cas des audiences sur les demandes d'asile comporte des caractéristiques similaires à ceux soulevés dans les études précitées. Plus particulièrement, dans le cas des audiences sur les demandes d'asile, la nature de la communication a trait à de l'information de nature délicate à caractère très émotif; de plus, le demandeur d'asile présente souvent un très lourd fardeau psychologique. Si l'on se fie aux constats des études sur l'impact psychologique de la communication assistée, où de l'information de nature délicate et à caractère très émotif doit être transmise, on peut conclure que la vidéoconférence n'est peut-être pas le moyen de communication le plus efficace et le plus agréable pour les demandeurs d'asile.

[C'est Ellis qui souligne.]

Cependant, étant donné que la documentation ne contenait aucune étude portant directement sur l'effet des communications par vidéoconférence dans les cas de réfugiés, M me Lagacé a estimé qu'une recherche plus poussée était nécessaire avant que l'on puisse tirer avec certitude la conclusion qui s'impose. Le dernier paragraphe de son rapport fait ressortir ce point.

En conclusion, une recherche empirique plus poussée se révèle nécessaire en ce qui a trait à cette question. Par exemple, cette recherche pourrait être menée au moyen d'une méthodologie comparative, qualitative ou quantitative, au moyen d'entrevues et de questionnaires auprès des réfugiés déjà au Canada. Pour le moment, la documentation actuelle ne plaide pas en faveur des interactions interpersonnelles par vidéoconférence, comparativement aux interactions en personne.

[De nouveau, c'est Ellis qui souligne.]

Professeur Liora Salter, MSRC

Le point de vue du professeur Salter reflète en général celui de M me Lagacé. En ce qui a trait aux récits émotifs et traumatisants que les demandeurs d'asile doivent souvent raconter, il existe des motifs importants de douter de l'efficacité des communications par vidéoconférence lors des audiences sur les demandes d'asile. Par ailleurs, rien dans la documentation ne laisse suggérer que des problèmes potentiels ont fait l'objet d'une enquête dans ce contexte en particulier. Le professeur Salter est d'avis qu'il y aurait peut-être un trop grand nombre de facteurs de confusion en jeu, dans toute réaction d'un demandeur d'asile face à son expérience d'une audience par vidéoconférence, pour qu'il soit possible qu'une étude empirique isole le rôle de la vidéoconférence proprement dite. Cependant, elle pense qu'une étude exploratoire relativement peu coûteuse pourrait être conçue pour déterminer la valeur probable d'une étude majeure. Elle estime aussi qu'il serait inapproprié, quoi qu'il en soit, de ne pas tenter de connaître la perception des demandeurs d'asile à l'égard des audiences par vidéoconférence.

De plus, elle ne croit pas qu'il serait inapproprié de bannir le recours à la vidéoconférence sans d'abord tenter ce type d'étude. À son avis, il n'est pas impossible qu'une utilisation bien pensée de la vidéoconférence lors des audiences sur les demandes d'asile puisse présenter des avantages.

Une liste des articles auxquels le professeur Salter a fait référence, ainsi que les extraits de ces articles les plus pertinents, sont joints à son rapport intégral.

Comme je l'ai mentionné précédemment, les curriculum vitæ et les rapports intégraux des « scientifiques » sont versés dans le dossier à la Commission.

4. L'expérience et la pratique dans d'autres pays

L'étude de la Commission quant à l'utilisation de la vidéoconférence lors des audiences sur les demandes d'asile parmi ces « partenaires internationaux » a confirmé que huit pays - la Belgique, le Danemark, la Finlande, l'Irlande, la Norvège, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Suède - n'avaient pas recours à la vidéoconférence, soit parce que la taille du pays faisait en sorte que ce n'était pas nécessaire, soit parce que le coût de cette technologie était jugé prohibitif. Trois pays - l'Allemagne, l'Espagne et la Suisse - n'ont pas répondu au sondage suffisamment à temps pour figurer dans l'étude. Les États-Unis et l'Australie sont les seuls pays qui ont confirmé utiliser la vidéoconférence dans les questions concernant les réfugiés. Aux États-Unis, l' Executive Office for Immigration Review (EOIR) l'utilise depuis le milieu des années 1990. En Australie, le Department of Immigration and Multicultural and Indigenous Affairs (DIMIA) y a recours depuis 2002, et le Refugee Review Tribunal (RRT), depuis 1997.

Dans ces deux pays, on a instauré le recours à la vidéoconférence parce qu'elle permettait d'accroître l'efficacité. Dans aucun de ces pays, l'utilisation de la technologie n'est conditionnelle au consentement des demandeurs d'asile.

L'EOIR n'a identifié aucune limite quant à l'utilité de la vidéoconférence. Cependant, en Australie, le DIMIA signale que ses commissaires estiment toujours qu'un interrogatoire en personne est préférable, parce qu'il permet une interaction plus personnelle. Pour sa part, le RRT indique que « certains commissaires » ont la perception que « la vidéoconférence complique l'évaluation de la crédibilité d'un demandeur d'asile ou d'un témoin ». Cependant, le RRT indique que l'on « a souligné à un certain nombre d'occasions » dans le cadre du programme de perfectionnement professionnel des commissaires, y compris dans le cas des questions transculturelles, que le type de signes visuels que transmet la vidéoconférence constitue souvent le type d'éléments sur lesquels le RRT ne devrait pas trop se fier pour rendre sa décision ».

Aucun de ces deux pays n'a encore tenté d'évaluer son utilisation de la vidéoconférence.

L'EOIR signale que l'American Immigration Lawyers Association s'oppose à l'utilisation de la vidéoconférence, mais que le DIMIA et le RRT font valoir que son utilisation est actuellement acceptée parmi ses acteurs comme faisant partie intégrante du processusNote 17.

5. Comparaison statistique des résultats entre les audiences par vidéoconférence et les audiences en personne

L'effort visant à comparer les résultats entre les audiences par vidéoconférence et les audiences traditionnelles en personne s'est révélé lourd d'incertitudes. Par exemple, comment peut-on savoir si l'on n'est pas en train de comparer des pommes et des oranges? La qualité des commissaires est-elle similaire? Comment la complexité et les difficultés se comparent-elles? etc. Tout ce que l'on peut affirmer sans se tromper, c'est qu'aucune des comparaisons effectuées ne permet d'établir qu'il existe des différences significatives dans le taux de réussite entre les deux types d'audience. S'il en est, les données suggéreraient que la vidéoconférence est légèrement désavantageuse pour les demandeurs d'asile.

Analyse de l'auteur

1. Trois réalités contextuelles

Pour effectuer une évaluation de la stratégie de la Commission en matière de vidéoconférence, trois réalités fondamentales doivent composer le fondement contextuel de toute analyse. Premièrement, du point de vue de la gestion des ressources, la tenue par vidéoconférence des audiences sur les demandes d'asile constitue une stratégie extrêmement utile - on pourrait soutenir que, dans le contexte de la SPR, il s'agit d'une stratégie quasi indispensable. Deuxièmement, la décision dans le cas d'une demande d'asile présente des responsabilités et des défis d'une gravité et d'une difficulté incomparables. Troisièmement, dans le cas d'une audience sur une demande d'asile, l'évaluation de la crédibilité, sur laquelle repose en général la décision rendue, dépend dans une large mesure, tout compte fait, de l'évaluation du comportement du demandeur d'asile par le commissaire.

Afin de respecter l'engagement de la CISR d'entendre les demandes avec simplicité, rapidité et équité, la SPR doit permettre la tenue d'audiences en personne, justes et efficaces, dans presque toutes les villes canadiennes où une personne de l'étranger choisit de demander l'asile. Les défis de gestion auxquels la SPR fait face lorsqu'elle tente de respecter cet engagement sont très complexes et difficiles - en fait, à de nombreux égards, ils sont uniques. Quel autre tribunal administratif doit offrir des services décisionnels complexes, spécialisés dans la politique, le droit, l'économie et l'environnement social de nombreux pays, tout en faisant face à une charge de travail qui est non seulement très volumineuseNote 18 - fardeau que partagent, à l'évidence, de nombreux autres tribunaux - mais est aussi, en termes de nombres de cas et de répartition géographique, extrêmement volatile?

Il n'est pas facile pour un tribunal d'acquérir les compétences décisionnelles que requièrent les audiences sur les demandes d'asile. Il faut d'abord attirer des personnes compétentes et qualifiées. Il faut ensuite former ces nouveaux commissaires et, par le biais de l'expérience, leur donner le temps de développer des compétences spéciales et l'expertise sur laquelle ces compétences, dans ce contexte, doivent reposer. Je n'ai reçu aucune information directe de la part de la direction de la SPR sur ce point, mais d'après mon expérience, je serais surpris qu'il ne faille pas compter deux ans avant qu'un nouveau commissaire, qualifié et compétent, atteigne son efficacité maximale.

L'ensemble des compétences ainsi développées constitue un atout fondamental de la SPR - acquis au moyen d'un investissement important de temps et d'argent. Toutefois, cet atout comporte deux lacunes particulièrement pertinentes lorsqu'il s'agit des questions soulevées dans le présent rapport. D'une part, cet atout n'est pas très mobile; d'autre part, on ne peut le remplacer rapidement. Ainsi, lorsque la Commission estime, à cause des aléas des politiques visant les réfugiés - si l'on peut respectueusement exprimer cette réalité en ces termes - que le volume des demandes d'asile a augmenté à un endroit et a chuté à un autre ou que l'expertise à l'égard d'un pays qui était en grande demande à un endroit est soudainement requise dans une plus grande mesure à un autre endroit, elle a de la difficulté à réagir efficacement à ce type de changement. À court terme, elle peut prendre des dispositions en demandant à des commissaires demeurant à un endroit auparavant très occupé, mais qui l'est maintenant moins, de se déplacer pour entendre des audiences à un endroit récemment devenu plus occupé. Toutefois, il est manifeste qu'il y a des limites au nombre de déplacements qui est souhaitable ou possible. Le fait d'exiger que les demandeurs d'asile se rendent dans des villes éloignées pour entendre leur audience n'est pas non plus une solution viable.

Une solution à plus long terme consisterait à demander à des commissaires chevronnés de déménager en permanence au nouvel endroit occupé ou à recruter d'autres commissaires résidant à cet endroit. Cette stratégie pourrait bien être celle qu'adopterait une entreprise commerciale. Toutefois, ce n'est pas si facile pour un tribunal administratif. Premièrement, les personnes qui composent le corps décisionnel d'un tribunal - avocats ou personnes possédant des qualifications équivalentes, nommées pour un mandat précis - sont en général réticentes à ce type de déplacement. La stratégie consistant à recruter de nouveaux candidats comporte deux importants désavantages. En premier lieu, il faudrait compter entre deux et trois ans pour recruter ces nouveaux commissaires et leur faire atteindre leur vitesse de croisière. Deuxièmement, le budget du tribunal ne pourrait en tenir compte que si l'on ne renouvelle pas le mandat de commissaires chevronnés se trouvant à un endroit maintenant moins occupé. D'un point de vue institutionnel, le fait d'échanger des commissaires chevronnés contre de nouveaux candidats est toujours problématique, pour un certain nombre de raisons. L'une d'elles, et non la moindre, est que cet échange minerait la compétitivité du tribunal sur le marché du travail où il recrute de nouveaux commissaires. Par conséquent, cette politique est rarement attrayante.

Ces stratégies de relocalisation ou de remplacement des ressources sont également des stratégies qu'il est spécialement difficile pour la Commission d'envisager ou de justifier, lorsqu'il n'existe aucune garantie que les changements de volume ou de distribution géographique qui justifieraient des déplacements permanents cette année ne risquent pas de disparaître cette année ou l'an prochain.

En plus des problèmes que présentent les changements soudains du volume des demandes de service et/ou le transfert imprévu de leur emplacement, la gestion des ressources décisionnelles d'un tribunal est aussi rendue plus complexe par la dispersion naturelle des demandes de service dans l'ensemble du pays. Non seulement la Commission doit-elle pouvoir offrir une expertise pour un pays X à Toronto, mais elle doit aussi pouvoir l'offrir en même temps à Vancouver, à Halifax, à Edmonton, voire à Whitehorse.

Étant donné la nature de ces défis uniques en matière de gestion, il n'est pas difficile de comprendre l'attrait et la valeur du potentiel de la technologie de la vidéoconférence d'un point de vue de la gestion. Dans ce contexte, la capacité d'offrir régulièrement des services décisionnels concernant les demandes d'asile, à partir d'installations centrales, à des endroits éloignés, sans l'inefficacité liée aux déplacements des ressources à ces endroits, pourrait transformer l'organisation et la planification de la SPR. Il ne faut pas beaucoup d'imagination pour penser aux multiples façons dont une telle capacité pourrait contribuer au travail de la Commission. En voici un exemple évident : la capacité de concentrer l'expertise portant sur un pays en particulier à un seul endroit, peu importe le lieu de résidence des demandeurs d'asile, et l'efficacité qui en découlerait ainsi que les contributions à la qualité de l'expertise de même que l'uniformité des décisions rendues dans les cas de demandeurs d'asile provenant de ce pays. Il y aurait de nombreuses autres façons de faire un usage efficace de cette souplesse.

En résumé, toute évaluation de la pertinence de l'utilisation de la vidéoconférence par la Commission doit tenir compte du puissant potentiel de cette technologie pour ce qui est de faciliter la gestion du travail énormément complexe de la SPR et d'améliorer l'efficacité et l'uniformité de son processus décisionnel.

Voilà pour la première réalité contextuelle. La seconde, à laquelle j'ai fait référence et qui mérite tout autant de respect, a trait aux responsabilités et aux défis très graves et difficiles qui sont propres à l'octroi de l'asile.

Peu importe que de nombreuses demandes d'asile soient inévitablement mensongères, bon nombre sont tout à fait authentiques. Séparer le bon grain de l'ivraie - c'est-à-dire quel demandeur d'asile doit être refusé et retourné dans son pays d'origine et quel demandeur d'asile doit être accepté - est une responsabilité à l'égard de laquelle il peut être ardu de trouver un élément de qualité comparable dans le système judiciaire administratif du Canada. En effet, le comparateur le plus près est un procès criminel. Si, lors d'un procès criminel, le juge ou le jury se trompe, une personne innocente peut être emprisonnée pendant de nombreuses années ou un criminel peut être libéré. Dans le cas d'une audience sur une demande d'asile, si le commissaire fait une erreur en évaluant la crédibilité, les conséquences peuvent être encore plus graves. Si l'erreur d'évaluation de la crédibilité joue contre le demandeur d'asile, non seulement ce dernier et sa famille perdent-ils leur seule occasion d'avoir un avenir sécuritaire au Canada, mais en étant renvoyés dans leur pays, ils font face de nouveau aux problèmes de sécurité personnelle qu'ils avaient fuis et, dans certains cas, à un risque de torture et de mort. De plus, lors d'un procès criminel, il existe des motifs raisonnables de croire que la plupart des personnes accusées sont en général coupables. Cependant, dans le cas des audiences sur les demandes d'asile, nous savons qu'une proportion importante de demandeur d'asile faisant face au risque inévitable qu'un commissaire commette une erreur sont en fait des personnes qui cherchent vraiment refuge contre de graves dangers. En outre, cette responsabilité est exacerbée encore davantage dans le cas des audiences sur les demandes d'asile par le fait que le fardeau de la preuve incombe au demandeur d'asile, et non au gouvernement.

Par contre, lorsqu'une erreur de crédibilité joue en faveur d'un demandeur d'asile qui se parjure, le Canada accueille alors un citoyen de qualité fort douteuse, qui pourrait bien présenter un grave risque de sécurité, ce qui mine les canaux et les procédures d'immigration habituels.

Dans les audiences sur les demandes d'asile, le défi que représente la prise de décision est également exacerbé, de façon unique, par la disponibilité limitée d'une preuve directe concernant les événements sur lesquels repose la demande. Les événements ont eu lieu dans un autre pays très éloigné. Il est en général très difficile de trouver des témoins oculaires consentants - et lorsqu'on en trouve, il est habituellement très difficile de les faire témoigner devant un commissaire. De plus, dans le pays où les événements se sont produits, les documents officiels et les dossiers à l'appui des allégations sont souvent choses rares. Le gouvernement responsable de cette documentation a tendance à se montrer hostile envers les personnes qui prétendent avoir été victimes d'abus dans leur pays. Ainsi, les commissaires doivent souvent rendre une décision finale qui repose largement sur leur évaluation de la crédibilité.

En résumé, compte tenu de tous ces facteurs, il est difficile d'imaginer un défi décisionnel plus grave et plus difficile.

Voilà qui m'incite à examiner l'importance de l'évaluation du comportement d'un demandeur d'asile, lorsqu'un commissaire doit juger de la crédibilité de ce dernier - la troisième réalité contextuelle dont la présente analyse doit tenir compte.

Le « comportement » est l'étiquette traditionnelle fourre-tout des divers signes non verbaux de la crédibilité qu'un juge repère - tant consciemment qu'inconsciemment - par l'observation attentive d'un témoin pendant sa déposition. Les changements de l'expression faciale, la façon dont la voix est utilisée, les divers aspects de ce que l'on appelle le langage corporel, le regard, etc., sont tous des aspects du « comportement ». De nombreux juges sont convaincus qu'ils peuvent savoir si un témoin est en train de mentir ou non, simplement en observant son comportement à la barre. L'importance prédominante que l'on a traditionnellement accordée à l'évaluation du comportement pour établir la crédibilité dans notre système judiciaire se reflète dans le principe juridique établi selon lequel une cour d'appel ne devrait presque jamais remettre en question les conclusions d'un juge de première instance en matière de crédibilité, parce que seul le juge de première instance a « vu » les témoins.

Bien entendu, les juges modernes font désormais beaucoup moins confiance à la fiabilité de leur « lecture » du comportement d'un témoin pour évaluer sa crédibilité. En effet, des études empiriques portant sur la fonction de juge ont récemment révélé que ce sont les décideurs qui ont le plus confiance en leur capacité d'évaluer la crédibilité du comportement d'un témoin et qui sont les moins susceptibles de l'évaluer correctementNote 19. Lorsque l'évaluation de la crédibilité est rendue plus complexe par des différences culturelles et linguistiques entre le juge et le témoin, les réactions intuitives d'un juge, qui sont influencées par sa culture, à l'égard du comportement observé d'un témoin appartenant à une autre culture soulèvent de nombreuses incertitudes. Par conséquent, la formation des juges les incite désormais à faire preuve de circonspection lorsque leurs conclusions en matière de crédibilité reposent sur l'évaluation du comportement. On les invite à se fier beaucoup plus aux indicateurs objectifs. Le récit des événements par le témoin est-il raisonnablement vraisemblable, vu les circonstances dans lesquelles il se serait produit? Le témoignage est-il cohérent dans son ensemble? Est-il raisonnablement compatible avec le reste de la preuve? etc.

Le commissaire qui, dans sa réponse au sondage en ligne, a fait valoir le point qui suit, reflétait ce malaise moderne envers cette dépendance à l'égard des évaluations de la crédibilité reposant sur le comportement (malaise partagé, comme le lecteur le constatera, par le Refugee Review Tribunal australien (voir ci-dessus)). Il est manifeste que ce commissaire exprimait ses doutes - doutes que toute personne réfléchie ressentira nécessairement - quant à la capacité d'interpréter correctement les signes du comportement par le biais des filtres culturels.

 

[Traduction]
Enfin, je crois que les audiences par vidéoconférence peuvent, dans une certaine mesure, aider la Commission à éviter les évaluations douteuses en ce qui a trait à la crédibilité reposant sur le « comportement » dans certaines cas (voir, par exemple, Valtchev c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) 2001 FCT 776), car le comportement d'un demandeur d'asile lors de son témoignage est légèrement plus distant par vidéoconférence, ce qui oblige la Commission à se concentrer sur le contenu du témoignage, marche à suivre adéquate, à mon avis.

 

Toutefois, nonobstant ces réserves, à moins de n'avoir recours qu'à des audiences audio, le comportement d'un témoin aura toujours une énorme influence sur l'évaluation de la crédibilité - en particulier lors des audiences sur les demandes d'asile où, souvent, on ne peut se fier à d'autres éléments. Il est humainement impossible qu'un commissaire observe la déposition d'un témoin pendant une heure ou deux sans être considérablement influencé, consciemment ou inconsciemment, par tous les signes non verbaux et toutes les nuances subtiles du comportement du témoin. Les commissaires professionnels, conscients des dangers de trop se fier au comportement et sensibles aux problèmes que présentent les différences culturelles et linguistiques, seront occupés, tout au long de l'audience, à évaluer leurs conclusions reposant sur leurs observations du comportement du témoin. Cependant, à la fin de la journée, il leur est en fait impossible de ne pas avoir déduit la plupart de leurs conclusions, relativement à la personnalité et à la crédibilité du témoin, à partir du comportement de ce dernier pendant l'audience.

Il n'est donc pas surprenant que cette réalité se reflète clairement dans le matériel de formation de la SPR. La publication des Services juridiques, intitulée Évaluation de la crédibilité lors de l'examen des demandes d'asile, datée du 28 juin 2002, bien qu'elle souligne clairement qu'il est nécessaire de faire preuve de prudence lorsqu'on se fie au comportement, fait aussi valoir l'importance de ce rôle inévitable.

À la section intitulée Principes généraux et remarques, l'article 1.9 porte sur l'évaluation des déclarations d'un témoin. Le premier paragraphe se lit comme suit :

Le décideur tient habituellement compte de l'intégrité et de l'intelligence d'un témoin ainsi que de l'exactitude générale des déclarations qu'il fait. Le sens de l'observation du témoin et sa faculté de se rappeler sont des facteurs importants. On évalue généralement si le témoin s'efforce honnêtement de dire la vérité, c'est-à-dire s'il semble franc et sincère ou plutôt partial, réticent et évasif. [C'est nous qui soulignons.]

À la suite de ce paragraphe figure toute une liste de facteurs dont tiennent compte les tribunaux pour évaluer la crédibilité. Parmi une liste de critères « objectifs », on trouve aussi les facteurs suivants, qui constituent clairement des éléments du « comportement » : « désir de dire la vérité »; « intégrité générale »; « intelligence en général » et « comportement pendant le témoignage ».

À la section 2.3.7, ce document traite directement du problème du « comportement ». Bien que l'on y trouve les inévitables mises en garde quant à la nécessité de faire preuve de beaucoup de circonspection, ce document met aussi l'accent sur l'importance cruciale du comportement.

La SPR peut évaluer la crédibilité de la preuve en appréciant le comportement général du témoin pendant sa déposition. À cette fin, elle doit tenir compte de la manière dont le témoin répond aux questions, de ses expressions faciales, de son ton de voix, de ses mouvements physiques, de son intégrité générale, de son intelligence et de sa mémoire.

ET :

La Cour fédérale a reconnu que le comportement d'un témoin influence l'évaluation de la crédibilité qui est faite par le juge.

Ainsi, dans toute analyse portant sur la pertinence de l'utilisation de la vidéoconférence lors des audiences sur les demandes d'asile, le rôle crucial et inévitable de l'évaluation du comportement du demandeur d'asile dans ce type d'audience doit faire partie intégrante du contexte dans lequel cette analyse doit être effectuée.

Voilà qui conclut mon analyse sur les trois réalités « contextuelles ». Procédons maintenant à l'analyse de l'information et des données qui ont retenu mon attention au cours de l'évaluation.

2. Évaluation du comportement lors d'une audience par vidéoconférence

Les préoccupations soulevées relativement aux limites perçues quant à la capacité d'un décideur de bien analyser le comportement des demandeurs d'asile et des témoins lors d'une audience par vidéoconférence sont celles qui ont été le plus souvent mentionnées lors de mes entrevues avec les conseils (11 sur 14). Cependant, les réponses aux sondages en ligne, surtout celles des commissaires et des APR, fournissent un autre son de cloche.

La vaste majorité des commissaires, qui sont tous très chevronnés et qui ont fourni leurs réponses sous le couvert de l'anonymat - ont clairement manifesté leur confiance envers le fait que cette technologie n'entravait pas leur capacité d'évaluer le comportement - et que, en fait, pour certains, elle améliorait cette capacité. Vingt des 25 commissaires répondants ont déclaré qu'ils ne constataient aucune différence quant à leur capacité de rendre des décisions judicieuses, qu'il s'agisse d'une audience en personne ou par vidéoconférence. Lorsqu'on leur a spécifiquement demandé d'indiquer les désavantages de la vidéoconférence, seulement huit commissaires sur 25 ont exprimé des réserves quant à l'évaluation du comportement.

Bien entendu, il convient de considérer ces données avec prudence. À l'évidence, il serait surprenant qu'un commissaire ne soit pas en général convaincu de la justesse de ses décisions, qu'il s'agisse d'une audience en personne ou d'une audience par vidéoconférence. De plus, on doit reconnaître que tous les commissaires répondants sont sûrement conscients des avantages personnels que leur procure l'utilisation de la vidéoconférence lors des audiences sur les demandes d'asile. Néanmoins, la totale confiance envers l'efficacité de la technologie, dont ont fait montre 17 des 25 commissaires chevronnés dans leurs réponses sous le couvert de l'anonymat, constitue une preuve importante de l'efficacité de la technologie, à tout le moins pour ce qui est de permettre aux commissaires de « voir » clairement le comportement du demandeur d'asile.

Cette preuve est également soutenue par les réponses des APR. Onze des 16 APR répondants ont indiqué qu'il n'existait aucune différence dans leur niveau de confiance envers la justesse des décisions rendues, qu'il s'agisse d'une audience en personne ou d'une audience par vidéoconférence. Lorsqu'on leur a demandé précisément d'énumérer les avantages qu'ils voyaient à utiliser la vidéoconférence, seulement quatre des 16 APR ont exprimé des réserves quant à l'évaluation du comportement.

Le lecteur aura aussi remarqué l'uniformité entre ces réponses concernant la capacité d'évaluer le comportement des témoins lors d'une audience par vidéoconférence et le point de vue des juges des tribunaux de la Colombie-Britannique et du Territoire du Yukon sur le même sujet, auquel il est fait référence plus tôt.

Pourquoi les conseils des demandeurs d'asile ont-ils un point de vue si différent de celui de leurs collègues professionnels à cet égard? À en juger par les commentaires figurant dans les réponses aux sondages, on peut présumer que certains commissaires et APR pourraient être enclins à rejeter les préoccupations énoncées par les conseils, surtout dans le cas des conseils de Toronto, en prétendant qu'ils sont politiquement motivés - comme faisant partie de leur opposition habituelle perçue aux politiques de la Commission. Cependant, lors de mes entrevues auprès des conseils, je n'ai rien trouvé qui puisse corroborer ces soupçons. Les conseils auxquels j'ai parlé ont clairement exprimé de véritables préoccupations d'ordre professionnel.

Cependant, en examinant de plus près les réponses des entrevues, liées directement et indirectement à la capacité de la caméra de transmettre une impression exacte du comportement véritablement affiché par le demandeur d'asile, on peut déceler des nuances intéressantes qui permettent de supposer que, dans le cas de cette question en particulier, le point de vue des conseils n'est peut-être pas aussi différent de celui de leurs collègues, comme cette preuve le suggérait à première vue.

À cet égard, il est intéressant de souligner que, lorsqu'on a demandé aux conseils - qui étaient généralement opposés à la vidéoconférence - de comparer leur niveau de confiance envers la justesse des décisions rendues lors d'une audience en personne et d'une audience par vidéoconférence, seulement six des 14 conseils ont attribué la cote « beaucoup plus élevé » aux audiences en personne. Cinq conseils ont indiqué que leur niveau de confiance était « plus élevé », mais non « beaucoup plus élevé » - deux conseils ont en fait utilisé ces termes en mettant l'accent sur le mot « non ». Un conseil a estimé que le niveau était supérieur à la cote « plus élevé », mais qu'il n'était pas « beaucoup plus élevé ». De plus, deux répondants, après une délibération soignée, ont indiqué que, si le commissaire était vraiment compétent, les obstacles que comporte la vidéoconférence lorsqu'il s'agit de rendre une décision judicieuse seraient probablement surmontés.

À l'évidence, ces réponses prêtent à un certain nombre d'interprétations. Il est possible que certains conseils aient simplement reconnu le fait qu'un plus grand nombre d'éléments du processus pourraient influencer la décision, et non la seule utilisation de la caméraNote 20, et que certains de ces éléments - comme la compétence du commissaire - avaient une telle importance qu'ils pouvaient compenser l'influence défavorable de la vidéoconférence. Toutefois, ils m'ont laissé l'impression générale que, en tenant compte uniquement de la capacité de la caméra à « voir » le comportement d'un demandeur d'asile, la majorité des conseils n'étaient pas vraiment prêts à affirmer que la vidéoconférence ne pourrait jamais fonctionner.

Il importe aussi de souligner que les points de vue les plus défavorables sur ce point provenaient, en fait, des conseils de Toronto. J'estime qu'il s'agit ici d'un facteur de confusion qui pourrait bien expliquer l'ampleur de cette réaction et l'écart important entre le point de vue des conseils et celui des commissaires et des APR relativement à cette question.

Le fait est que, sur les écrans que j'ai observés, les conseils de Toronto n'ont peut-être jamais vu une image rapprochée de qui que ce soit. Tout ce qu'ils ont vu du commissaire est un petit personnage assis au fond de l'écran, derrière le banc - un personnage dont on peut à peine voir le visage. Comme ils ne disposaient d'aucun écran de rétroaction, les conseils ne pouvaient pas voir l'image de leur client qui était transmise aux commissaires, aux APR et aux interprètes. Mes observations des audiences dans la salle du demandeur d'asile à Toronto m'incitent à partager les préoccupations des conseils à cet égard. J'ai observé l'utilisation de la vidéoconférence pendant cinq heures à Toronto et je n'aurais pas reconnu le président de l'audience, si je l'avais rencontré dans le couloir adjacent au moment de quitter l'audience. Je suis sorti de cette expérience en présumant que l'image des demandeurs d'asile et des témoins transmise aux commissaires serait approximativement de la même qualité. C'est pourquoi, à la suite de mes observations à Toronto, j'étais plutôt pessimiste quant à la capacité d'un commissaire d'évaluer le comportement au moyen de cette technologie.

Cependant, après avoir consacré cinq heures à l'observation d'audiences par vidéoconférence à Montréal, assis sur une chaise juste à côté du commissaire, et que j'ai vu la qualité de l'image du demandeur d'asile lorsque le zoom est utilisé, j'ai commencé à penser que le problème n'était pas insoluble. J'ai aussi observé que l'utilisation du zoom variait d'un commissaire à l'autre. L'un des commissaires n'a pas du tout utilisé le zoom, mais a plutôt tenté d'interpréter le comportement du témoin, ce dernier étant vu à distance, assis loin dans l'écran, au bout d'une table dans la salle du demandeur d'asile, dans une position similaire à celle des commissaires de Toronto.

Par conséquent, j'ai l'impression que la compréhension d'une personne, en ce qui a trait à l'efficacité de la technologie pour voir clairement le comportement du demandeur d'asile, peut être considérablement influencée par son expérience personnelle en ce qui a trait à l'utilisation efficace des capacités du zoom de la caméra. Ayant personnellement observé à quel point la vidéoconférence fonctionne bien lorsqu'un commissaire est à l'aise avec le matériel, il me semble qu'il n'est pas possible de rejeter cette technologie en raison de sa capacité à permettre l'évaluation du comportement.

Si les installations de Toronto avaient été les mêmes qu'à Winnipeg et à Edmonton, dotées d'un écran de rétroaction permettant aux conseils de Toronto de voir l'image de leurs clients qui est transmise aux commissaires à Montréal, à Calgary ou à Vancouver, une grande partie des critiques des conseils sur ce point n'auraient peut-être pas vu le jour.

De plus, dans la salle du demandeur d'asile, s'il était possible de faire un zoom sur le visage du commissaire, de façon similaire à ce que j'ai observé dans la salle du commissaire à Montréal, la plupart des préoccupations des conseils relativement à l'incapacité de leurs clients d'observer les réactions du commissaire à leur argumentation ou au témoignage n'auraient peut-être pas été soulevées. J'ajouterais que ces inquiétudes sont, à mon avis, tout à fait légitimes. Il ne suffit pas que les commissaires puissent voir et évaluer le comportement des demandeurs d'asile. Si l'on désire assurer une audience juste et efficace, le demandeur d'asile et son conseil doivent pouvoir voir et évaluer le comportement du commissaire et être en mesure d'y réagir - comme ils peuvent naturellement le faire lors d'une audience en personne.

Lorsque je suggère qu'une vidéoconférence adéquatement organisée pourrait permettre à un commissaire d'évaluer efficacement le comportement, je ne tiens pas compte de l'incidence psychologique de distanciation de la médiation vidéo sur les communications bilatérales décrites dans la documentation présentée par les scientifiques - le « nivellement » de l'information que la vidéoconférence semble produire. Il s'agit d'effets que l'on ne peut pas observer, et nul doute que je n'ai pu les percevoir lors de mes observations de ces audiences. Bien entendu, même si c'est ce à quoi les scientifiques s'attendraient, je ne peux néanmoins, en évaluant cette technologie, fonder mes recommandations sur un élément négatif que je ne peux voir ou ressentir. Pour en tenir compte, il faudrait une étude empirique complexe. Je reviendrai sur ce point.

3. Incidence de la vidéoconférence sur la qualité du témoignage d'un demandeur d'asile

À mon avis, la question la plus épineuse est sans doute l'incidence d'un environnement impersonnel et mécanique, où la technologie prédomine, sur les demandeurs d'asile et leur capacité d'être à l'aise avec les procédures leur permettant de raconter leur récit de manière naturelle et efficace - leur permettant de se présenter à ces procédures tels qu'ils sont vraiment. Il ne s'agit pas uniquement de déterminer si le comportement qui est affiché peut être interprété efficacement par le biais de la caméra, mais il s'agit aussi de déterminer l'influence de la technologie sur la qualité du comportement affiché. Lors des audiences par vidéoconférence, les demandeurs d'asile doivent composer avec le stress supplémentaire que suscite un environnement très impersonnel et doivent s'adresser à une personne se trouvant à l'écran d'une télévision, tout en étant filmés, leur interprète n'étant qu'un visage à l'écran. Du simple point de vue de l'expérience de tous les jours, quelle est la probabilité que cette combinaison de circonstances n'ait pas une incidence défavorable sur le comportement naturel de la plupart des demandeurs d'asile? Bien entendu, les trois scientifiques ont identifié des problèmes de cette nature, en tant que motifs de préoccupation légitime, surtout en ce qui a trait au récit efficace d'histoires traumatisantes.

Ce ne sont pas tous les conseils qui ont fait référence à ce problème, mais la majorité en ont fait mention et ceux qui ont connu cette difficulté avaient une opinion bien arrêtée à ce sujet. Même certains commissaires, APR et interprètes - ayant fait uniquement l'expérience de la vidéoconférence dans la salle du commissaire, sans contact personnel avec les demandeurs d'asile - n'étaient pas à l'aise avec cet aspect de la technologie.

Conclusions et recommandations de l'auteur

Ma principale conclusion est la suivante : que la SPR ne devrait pas prendre de décision finale quant à la pertinence de l'utilisation de la vidéoconférence lors des audiences sur les demandes d'asile sans effectuer des études et des enquêtes plus poussées.

Les importantes préoccupations soulevées par les scientifiques quant à l'efficacité et à la pertinence de la communication par vidéoconférence dans les questions touchant les demandeurs d'asile ne peuvent être ignorées. Il ne serait pas non plus approprié de ne pas tenir compte des réserves soulevées dans les réponses aux sondages quant à l'incidence défavorable possible de la vidéoconférence sur la capacité des demandeurs d'asile d'être suffisamment à l'aise pour communiquer efficacement et afficher un comportement qui reflète ce qu'ils sont vraiment.

Toutefois, il est trop tôt pour affirmer que ces problèmes ne pourraient pas être résolus en apportant des rajustements heureux au protocole, aux procédures et aux installations techniques, du moins dans une proportion importante de cas. Tant M me Lagacé que le professeur Salter ont indiqué qu'il n'existe pas de documentation scientifique faisant état d'une recherche empirique portant spécifiquement sur l'utilisation de la vidéoconférence concernant les demandeurs d'asile. Toutes deux conseillent de ne pas rejeter la vidéoconférence sans d'abord mener un programme de recherche portant spécifiquement sur l'évaluation de cette utilisation dans ce contexte. À mon avis, il y a des ajustements évidents qui pourraient être apportés au protocole, aux procédures et aux installations techniques afin de rendre l'environnement de la vidéoconférence considérablement plus acceptable et confortable. L'un de ces ajustements consisterait à faire en sorte que l'interprète s'assoit avec le demandeur d'asile pour lui expliquer les procédures et la technologie, le rassurer et lui fournir du soutien dans sa propre langue. Un autre ajustement consisterait à faire en sorte que les demandeurs d'asile reçoivent l'aide d'un conseil persuadé qu'il s'agit d'une utilisation efficace et appropriée de la technologie. Bien entendu, il reste à déterminer si cet ajustement est possible. Toutefois, il existe d'autres ajustements dont je ferai mention plus loin.

Je recommande que la Commission s'engage à mener une importante « période d'essai », pendant laquelle la vidéoconférence serait utilisée de la manière la plus acceptable possible. Au cours de cette période, l'équité et l'efficacité relatives des audiences par vidéoconférence, comparativement aux audiences traditionnelles, seraient évaluées avec soin et de façon systématique au moyen d'une étude empirique, universitaire et indépendante. L'étude devrait être menée par des universitaires possédant les qualifications des universitaires qui ont contribué à la présente évaluation, et comparerait les expériences et les perceptions de deux groupes de demandeur d'asile - un groupe étant composé de demandeur d'asile dont le cas aurait été entendu par vidéoconférence pendant la période d'essai, et l'autre groupe étant formé de demandeur d'asile dont le cas présenterait une complexité et une difficulté comparables et qui aurait été entendu lors d'une audience traditionnelle en personne au cours de la même période.

Toutefois, cela ne pourrait se faire rapidement. Il existe au moins une catégorie de cas qui, d'après la preuve disponible - surtout la preuve universitaire - ne devrait jamais faire l'objet d'une vidéoconférence. Bien entendu, je fais référence aux cas où le récit du demandeur d'asile implique un abus sexuel ou physique ou de la torture mentale, ou encore lorsque le demandeur d'asile souffre d'un syndrome de stress post-traumatique ou semble fragile sur le plan psychologique. Il s'agit de cas où la communication a toutes les chances d'être - ou du moins semble être - plus efficace lorsqu'elle a lieu en personne. Il est trop tôt pour affirmer catégoriquement qu'il ne sera jamais approprié d'entendre ce type de cas par vidéoconférence. On peut envisager que, dans l'avenir, lorsque la vidéoconférence aura évolué et lorsque les protocoles et les arrangements seront plus nuancés, même ce type de cas pourrait être entendu par vidéoconférence, de façon appropriée. Cependant, dans un proche avenir, cette catégorie de cas devrait, à mon avis, joindre les autres catégories de cas exemptés par la politique de la Commission.

Il me semble également clair qu'il n'est pas juste ou approprié de soumettre un demandeur d'asile non représenté à une audience où il est assis seul, dans une petite salle, en présence uniquement d'une caméra et d'un écran vidéo. Ces cas devraient être immédiatement exemptés ou, s'ils doivent faire l'objet d'une vidéoconférence, le demandeur d'asile devrait être accompagné dans la salle d'audience par un interprète et un APR.

Les changements au protocole, aux dispositions et au matériel que je recommanderais de mettre en œuvre pendant la période d'essai sont les suivants :

  1. On devrait remédier à l'absence de tout « accueil » au début de l'audience dans la salle du demandeur d'asile. Du point de vue du système judiciaire, il me semble inapproprié qu'un demandeur d'asile participant à une audience où son avenir doit être décidé par un décideur, dans le cadre d'une procédure judiciaire, ne soit pas accueilli dans la salle d'audience par une personne ayant un statut officiel, qui peut s'adresser au demandeur d'asile par son nom, lui confirmer qu'il se trouve au bon endroit, l'informer sur le matériel utilisé, lui expliquer ce à quoi il peut s'attendre, etc. Il s'agirait d'une étape importante vers la création d'un environnement d'audience réceptif et confortable. Il est manifeste que cet accueil n'est pas actuellement offert, du moins, semble-t-il, dans les salles d'audience de Toronto.
  2. Faire en sorte qu'il devienne pratique courante que l'interprète soit en compagnie du demandeur d'asile, dans la salle du demandeur d'asile. Il pourrait y avoir des cas d'exception, lorsqu'un interprète dans le langage requis n'est pas disponible à proximité de la ville où se trouve la salle du demandeur d'asile. Les réponses aux sondages démontrent clairement qu'il n'est pas impossible d'obtenir des services d'interprétation raisonnables lorsque l'interprète se trouve dans la salle du commissaire, mais les avantages pour ce qui est de mettre à l'aise les demandeurs d'asile et d'améliorer l'efficacité de la traduction sont suffisamment importants qu'il est clairement souhaitable d'établir, en tant que règle régulière, que l'interprète devrait se trouver en compagnie du demandeur d'asile.
  3. Dans un monde idéal, il serait également préférable que l'APR se trouve aussi dans la salle du demandeur d'asile. Cependant, ce n'est pas aussi important - sauf si le demandeur d'asile n'est pas représenté.
  4. Installer des écrans de rétroaction dans toutes les salles du demandeur d'asile. L'équité et l'efficacité exigent que le demandeur d'asile et son conseil puissent voir en tout temps l'image de leur salle qui est transmise à l'écran de la salle du commissaire.
  5. Revoir l'éclairage de toutes les salles du demandeur d'asile et du commissaire.
  6. Installer un mécanisme de contrôle préréglé dans les salles du demandeur d'asile, qui permettra au conseil (ou à l'APR) de faire un zoom du commissaire lorsqu'il le juge approprié pendant l'audience. Le demandeur d'asile et son représentant doivent pouvoir voir les réactions du commissaire à leur témoignage ou à leur argumentation. Ces contrôles devraient être préréglés, de sorte qu'en appuyant sur un bouton, l'écran affiche un niveau de zoom prédéterminé et, en appuyant de nouveau, l'image normale soit rétablie. Bien entendu, comme la salle du commissaire est munie d'un écran de rétroaction, le commissaire saura toujours quelle image de lui est transmise à l'écran de la salle du demandeur d'asile.
  7. Le contrôle du zoom, par le commissaire, de la caméra qui se trouve dans la salle du demandeur d'asile devrait être préréglé pour permettre une sélection d'images : une image normale - qui montrerait à la fois le demandeur d'asile et le conseil - un ou deux niveaux de zoom sur le demandeur d'asile ou un autre témoin, et un zoom sur le conseil. Chacune de ces images préréglées pourraient être obtenues en appuyant sur le bouton approprié. Le commissaire ne devrait pas pouvoir utiliser le zoom à sa pleine capacité - ni se faire enseigner comment le faire - pour obtenir une image beaucoup trop rapprochée du visage du demandeur d'asile.
  8. Rajuster l'image normale de la salle du commissaire que l'on voit à l'écran de la salle du demandeur d'asile, de sorte que le commissaire et son banc se trouvent relativement près, à l'avant de l'écran. Cela signifie que l'APR ne figurerait pas sur l'image normale. Cependant, il n'est pas important que l'APR soit toujours à l'écran. Lorsque l'interprète se trouve dans la salle du commissaire, étant donné que le demandeur d'asile a besoin de voir l'interprète, une deuxième image « normale » devrait être disponible, montrant à la fois le commissaire et l'interprète. Les contrôles qui se trouvent dans la salle du commissaire devraient aussi être préréglés, de sorte qu'en appuyant sur un bouton, la caméra passerait automatiquement à un zoom prédéterminé de l'APR, au moment où il prend la parole. Ce bouton pourrait être à la disposition de l'APR et du commissaire ainsi que du conseil se trouvant dans la salle du demandeur d'asile.
  9. Il est essentiel que les problèmes de documentation soient résolus. Il s'agit d'une préoccupation prédominante pour bon nombre des répondants aux sondages, soit les conseils, les commissaires, les APR et les interprètes. On ne peut avoir un processus décisionnel qui déraille chaque fois qu'il est nécessaire qu'un commissaire, un demandeur d'asile ou un conseil examine un document et que ce document ne se trouve pas à la bonne place, doit être interprété, ne peut être lu, etc. La transmission des documents entre le conseil, le demandeur d'asile, les témoins, le commissaire et l'interprète, selon l'endroit où ces personnes se trouvent, doit se faire sans heurts et de manière routinière. Chose certaine, il existe une technologie qui pourrait répondre à ce besoin.
  10. Dans l'immeuble où se trouve la salle du demandeur d'asile, un membre du personnel de la Commission doit être présent. On doit lui confier la responsabilité d'assurer la conduite sans heurts de l'audience, y compris accueillir les demandeurs d'asile et leurs conseils au début de l'audience, expliquer le fonctionnement du matériel, à quoi ils doivent s'attendre et qui présidera l'audience. Cette personne devrait demeurer dans la salle jusqu'à ce que l'audience commence et s'assurer que l'image est correctement ajustée en termes de clarté, de luminosité, etc. Si l'audience est retardée, cette personne devrait avoir la responsabilité de trouver la raison du délai et d'assurer le suivi. Il est inconvenant de laisser ces responsabilités de la Commission à la charge du conseil ou de l'interprète. Cette même personne devrait aussi être disponible par téléphone, au cas où un problème technique surviendrait pendant l'audience.
  11. En fait, il devrait y avoir un lien téléphonique direct - ou peut-être un lien Internet - entre la salle du demandeur d'asile et la salle du commissaire afin de faciliter les communications lorsque la portion vidéo des procédures connaît des ratés. Un tel lien pourrait aussi être organisé de manière à ce que, si l'interprète devait se trouver dans la salle du commissaire, il puisse fournir une traduction simultanée que seul le demandeur d'asile entendrait, pendant que le conseil présente son argumentation.
  12. Je recommanderais aussi que les décisions rendues de vive voix immédiatement à la fin de l'audience ne soient pas communiquées dans le cas d'une vidéoconférence, sauf si le commissaire se sent tout aussi à l'aise de communiquer une décision de vive voix dans le cadre d'une audience en personne.
  13. À l'évidence, il est important de trouver des moyens afin de permettre aux commissaires de maintenir un contrôle approprié de la salle d'audience du demandeur d'asile. Il faudrait peut-être établir une règle prévoyant qu'un demandeur d'asile ne peut être accompagné que par une seule personne (sympathisant ou observateur) ainsi que des dispositions pour l'attribution des sièges afin de s'assurer que cette personne se trouve dans l'image « normale », près du demandeur d'asile et du conseil. Cependant, si les membres de la famille, y compris les enfants, et autres sympathisants devaient être exclus de façon générale de la salle d'audience, il serait important d'aviser à l'avance les demandeurs d'asile de la nécessité qu'ils prennent des dispositions pour faire garder leurs enfants le jour de l'audience. Il faudrait faire une exception à cette règle afin de tenir compte des observateurs professionnels.
  14. Il y a un certain nombre d'autres problèmes et suggestions d'amélioration, qui se trouvent dans les réponses aux sondages, dont il importe de tenir compte. Au nombre de ces problèmes, mentionnons les difficultés que présente la tenue d'audiences sur plus d'un fuseau horaire. À mon avis, si la Commission prévoit une audience en soirée, après les heures de fermeture des bureaux, elle a l'obligation de fournir un personnel de soutien en soirée et de prendre des dispositions appropriées avec les services de sécurité de l'immeuble. Le fait de laisser un demandeur d'asile et un représentant travailler seuls le soir, dans des locaux vacants, est à la fois irrespectueux et non sécuritaire. Il importe aussi de s'assurer que la transmission du témoignage des demandeurs d'asile par vidéoconférence est à l'abri d'une interception non autorisée.
  15. Le commissaire qui a suggéré que la vidéoconférence soit organisée et exécutée par un service national spécial de la SPR a fait valoir, à mon avis, un élément important. Le fait de faire participer tous les commissaires, de tous les endroits, aux audiences par vidéoconférence dilue la compétence concernant le fonctionnement du matériel et empêche de choisir des commissaires possédant le talent et l'engagement nécessaires pour faire en sorte que cette technologie fonctionne. De plus, cela signifie que les conseils de différentes villes doivent traiter leurs cas par vidéoconférence devant un tribunal national amorphe - composé d'un si grand nombre de commissaires qu'un conseil a peu de chance d'établir quelque rapport que ce soit avec un commissaire en particulier ou de connaître le style et les tendances des commissaires avec lesquels il traite de jour en jour. Quant aux commissaires, ils n'établiront jamais de rapport avec les conseils.

    Je pense qu'il serait important que la Commission explore la possibilité d'établir pendant la période d'essai un service national de vidéoconférence, composé d'un petit nombre de commissaires spécialement sélectionnés dans chaque ville et d'une équipe de gestion centrale. Pendant la période d'essai, cette équipe serait autorisée à prendre toutes les décisions relatives à la vidéoconférence : la sélection du matériel, la façon de l'utiliser et la gestion de son fonctionnement ainsi que les procédures et les protocoles régissant son utilisation. Elle aurait aussi la responsabilité - et l'autorité correspondante - de s'assurer que ces décisions sont mises en œuvre dans toutes les régions.

    Les procédures d'audience, dans le cas des cas assignés à ce service, ainsi que la culture décisionnelle de ce service pourraient aussi être normalisées, de manière à éviter que les conseils aient à faire face à des procédures d'audience par vidéoconférence et à une culture décisionnelle avec lesquels ils ne sont pas familiers. Il semble que les procédures d'audience et la culture décisionnelle peuvent varier considérablement d'une province à l'autre.

    Il ressort clairement des entrevues et des sondages que le système actuellement en place souffre d'un manque de contrôle central sur la mise en œuvre régionale. Les lacunes des installations de Toronto - absence d'écrans de rétroaction, absence de tout accueil et de personnel de soutien disponible - pourraient avoir contribué de façon importante à l'hostilité générale des conseils de Toronto envers ce système. De plus, le piètre éclairage du bureau de Vancouver qui, à l'évidence, a fait l'objet de nombreuses plaintes sans que ce problème ne soit résolu, ainsi que le fait de ne pas avoir amélioré la caméra de Calgary pour s'assurer que l'on puisse voir le visage des commissaires de race noire à l'écran de la salle du demandeur d'asile sont autant d'incidents qui dénotent un manque d'engagement au niveau régional en vue de rendre cette technologie aussi acceptable que possible pour les clients qu'elle entend servir.

    Un service de vidéoconférence national permettrait aussi de simplifier les exigences en matière de formation, de permettre l'utilisation uniforme de la technologie, de diffuser les pratiques exemplaires, etc. Elle pourrait aussi permettre une plus grande concentration de l'expertise portant sur un pays en particulier pendant la période d'essai.

  16. Pour planifier et concevoir la période d'essai et les ajustements à apporter, il sera important que la Commission travaille en étroite collaboration avec des conseils chevronnés. Il s'agit d'une technologie qui peut offrir des avantages importants aux demandeurs d'asile et à leurs représentants ainsi qu'à la Commission. Il devrait être possible de faire en sorte que ces collectivités aident la Commission à s'assurer que cette technologie fonctionne le mieux possible et qu'elles en étudient les avantages et les lacunes. En fait, lorsque la technologie sera plus conviviale dans tous les aspects précités, il serait utile d'avoir recours aux audiences par vidéoconférence chaque fois que c'est possible, avec le consentement du demandeur d'asile et de son représentant. Le recours à des bénévoles pourrait être une solution viable. La tenue d'une vidéoconférence avec consentement favoriserait énormément l'environnement plus chaleureux que chacun recherche.

    Cependant, je tiens à préciser que la recommandation précitée ne vise pas à suggérer à qui devrait être dévolue toute responsabilité ultime quant aux décisions à prendre pour mettre en œuvre cette stratégie de période d'essai. À l'évidence, c'est à la Commission qu'il incombera de prendre ces décisions en bout de ligne.

Voilà qui termine l'énoncé de mes conclusions et de mes recommandations.

Bien entendu, une question d'ordre pratique qui se pose immédiatement consiste à déterminer s'il est raisonnable pour la Commission d'entendre les cas déjà transférés en prévision d'une audience par vidéoconférence, pendant la mise en œuvre des recommandations.

Comme je l'ai déjà mentionné, à mon avis, les cas comportant des allégations d'abus physique ou sexuel ou de torture devraient être immédiatement retirés du système de vidéoconférence, et les cas des demandeurs d'asile non représentés ne devraient pas être entendus par vidéoconférence, à moins qu'un APR ou un interprète soit présent dans la salle du demandeur d'asile. Je recommanderais aussi un bref ajournement des audiences par vidéoconférence pendant la mise en place des changements les plus importants - sous réserve, peut-être, du consentement du demandeur d'asile à procéder selon les dispositions existantes. À mon avis, ces changements immédiats devraient être les suivants : assurer un « accueil » approprié des demandeurs d'asile par la Commission dans la salle du demandeur d'asile et un soutien du personnel afin d'assurer que l'audience est commencée et que la technologie fonctionne; faire en sorte que l'interprète se trouve dans la salle du demandeur d'asile; installer un écran de rétroaction dans la salle du demandeur d'asile; modifier l'image « normale » de la salle du commissaire de manière à obtenir une image plus rapprochée du commissaire; installer des contrôles dans la salle du demandeur d'asile afin de permettre au conseil d'obtenir un zoom préréglé du commissaire ainsi que des contrôles simplifiés dans la salle du commissaire, de sorte qu'un seul bouton permette d'obtenir un zoom préréglé du demandeur d'asile. Les commissaires devraient aussi recevoir de la formation sur l'importance de visualiser le témoignage d'un demandeur d'asile en mode zoom.

Avant de terminer ce rapport, je dois mentionner le fait qu'il ne porte aucune attention aux coûts. Le personnel de la Commission a effectué une analyse des coûts liés à l'utilisation de la vidéoconférence, dans sa formule actuelle. J'ai eu l'occasion d'examiner cette analyse et, en général, il semble clair que, comparativement aux coûts de déplacement des commissaires ou des demandeurs d'asile, la vidéoconférence est beaucoup moins coûteuse. Cependant, les ajustements et les études empiriques que j'ai recommandés augmenteront les coûts pendant la période d'essai, coûts que je n'ai pas tenté d'évaluer.

Cependant, je n'ai aucune autre option pratique que de confier ce problème à la Commission. Je tiens aussi à préciser que je ne suis pas suffisamment au fait des défis et des problèmes opérationnels de la Commission, ni suffisamment spécialisé sur le plan technique pour pouvoir être certain que mes recommandations sont raisonnablement faisables, dans le cadre d'un budget raisonnable. La Commission devra aussi prendre des décisions à cet égard.

Ma contribution consiste à fournir les conclusions et les recommandations qui, à partir de l'information à laquelle j'ai été exposée au cours de cette évaluation, me semblaient appropriées, d'après mon point de vue en tant que commissaire et gestionnaire d'expérience. J'espère qu'elles seront utiles.

LE TOUT RESPECTUEUSEMENT SOUMIS À TORONTO, EN ONTARIO,

LE 21 OCTOBRE 2004

S. RONALD ELLIS, c.r.

Notes

Note 1

Cette description reflète ce que l'auteur a constaté pendant son observation des audiences par vidéoconférence, dans la salle où les demandeurs d'asile se trouvaient, aux bureaux de la SPR, au 505 av. University, à Toronto, à l'été de 2004, lors d'audiences en provenance de Montréal (comme le confirment ses entrevues subséquentes avec les conseils de Toronto), et pendant son observation des audiences par vidéoconférence dans la salle où le commissaire se trouvait, aux bureaux de la SPR, au Complexe Guy-Favreau, à Montréal, à l'automne de 2004, lors d'audiences où le demandeur d'asile se trouvait à Toronto. Les installations et la procédure peuvent varier à certains égards à d'autres endroits.

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Note 2

Pour l'analyse de ces chiffres, voir ci-après.

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Note 3

Les seules données sur cette question se trouvent dans les rapports de deux conseils (interrogés dans le cadre d'un sondage - voir ci-après) qui ont déposé des demandes - dans un cas, trois demandes - afin d'obtenir la réassignation d'un cas aux fins d'une audience en personne, sans succès. De plus, une norme conservatrice relativement à l'acceptation de ce type de demande pourrait avoir été établie antérieurement par la décision de la Cour fédérale dans l'affaire Gonzales c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] J.C.F. 1683. Dans cette décision, la Cour a péremptoirement refusé une demande de contrôle judiciaire qui avait été déposée aux motifs, notamment, que l'audience par vidéoconférence ne satisfaisait pas à l'exigence de l'équité procédurale. Le demandeur d'asile résidait à Terre-Neuve et avait sollicité une audience en personne. Le refus de la SPR reposait sur le fait que la justice naturelle n'était pas compromise par ce moyen de communication et que le demandeur d'asile pouvait témoigner et répondre clairement aux questions. La demande de contrôle judiciaire faisait valoir que les installations de vidéoconférence ne permettent pas d'évaluer avec exactitude le comportement d'un demandeur d'asile, surtout s'il provient d'une culture différente et parle une autre langue. La Cour a rejeté la demande, soulignant simplement que rien n'indiquait spécifiquement comment ces préoccupations d'ordre général pouvaient nuire à l'audience dans ce cas, et que la conférence semblait s'être déroulée sans effet nuisible spécifique pour le demandeur d'asile.

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Note 4

Voir, par exemple, la lettre que le Conseil canadien pour les réfugiés a fait parvenir au président de la Commission et les documents connexes auxquels il est fait référence ci-après.

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Note 5

[2003] B.C.J. 812

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Note 6

[1999] B.C.J. 2116

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Note 7

R. Heynen, [2000] Y.J. 6 (Cour du Territoire du Yukon)

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Note 8

C.F. IMM-5502-04 (juge Gauthier)

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Note 9

Pour connaître la base de sélection, voir ci-après.

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Note 10

Voir la critique de cette approche qui figure dans le rapport du professeur Liora Salter, dont il est question ci-après.

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Note 11

Raoul Boulakia

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Note 12

Toutefois, au cours des entrevues, deux des répondants qui figuraient sur la liste de la Commission comme ayant participé à au moins 10 audiences par vidéoconférence n'avaient pas souvenir d'avoir pris part à un aussi grand nombre d'audiences par vidéoconférence.

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Note 13

En ce qui a trait à la question 11, lors des entrevues, l'auteur a demandé aux répondants de choisir l'une des cinq réponses suivantes : « Mon niveau de confiance envers la justesse des décisions rendues serait : 1) beaucoup plus élevé dans le cas des audiences par vidéoconférence; 2) plus élevé dans le cas des audiences par vidéoconférence; 3) le même; 4) plus élevé dans le cas des audiences en personne; 5) beaucoup plus élevé dans le cas des audiences en personne ».

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Note 14

Bien entendu, ceci ne tient pas compte de la possibilité qu'un commissaire puisse utiliser le zoom de la caméra pour résoudre ce problème, solution qui, toutefois, ne s'offre pas au conseil ou au demandeur d'asile.

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Note 15

Voir la résolution officielle du Conseil canadien pour les réfugiés de novembre 1998, demandant au conseil de cesser immédiatement l'utilisation de la vidéoconférence pour la conduite des audiences sur les demandes d'asile et les contrôles des motifs de détention, dont il est fait référence ci-dessus.

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Note 16

Initialement, je (Ellis) trouvais que l'expression anglaise mediated communication (communication assistée), utilisée par les trois scientifiques - portait à confusion. (Dans la pratique, en tant qu'arbitre dans le monde du travail, les communications mediated font référence à un médiateur - une personne impartiale - qui assure les communications.) Cette expression est utilisée ici par les scientifiques pour décrire les communications qui n'ont pas lieu en personne, mais plutôt à l'aide d'un moyen technique, comme un ordinateur, un écran vidéo ou un téléphone, interposé entre les deux communicateurs.

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Note 17

Une copie intégrale de l'étude de la Commission est disponible auprès de la Commission.

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Note 18

Comme nous l'avons vu ci-dessus, 24 000 cas ont été tranchés au cours des 12 derniers mois.

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Note 19

Voir la présentation effectuée en décembre 2003 lors d'une conférence des juges à Banff, en Alberta, par Stephen Porter, titulaire d'un doctorat, faculté de psychologie de l'Université Dalhousie, intitulée Issues in Credibility Assessments: The Truth About Lies.

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Note 20

Référence de Lagacé aux « variables médiatrices », supra.

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Liens connexes

Réponse de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada au rapport sur l'utilisation de la vidéoconférence lors des audiences sur les demandes d'asile