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Intéressé : Hagos Beiene
Date(s) de l'audience :
S/O
Lieu de l'audience : Toronto, Ontario (en cabinet)
Date de la décision : 15 mai 2010
Tribunal : Lois D. Figg et Délégué du président
Introduction
[1] La présente décision concerne les activités professionnelles de
M. Hagos Beiene (ci-après
M. Beiene) devant la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada (la CISR ou la Commission) et vise à déterminer si
M. Beiene a enfreint le
Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés pour ce qui est des conseils autorisés à représenter des personnes dans toute affaire devant la Commission et, le cas échéant, les sanctions qu'il convient de lui infliger.
Contexte
[2] Depuis avril 2004, Hagos Beiene a représenté plus de 400 personnes dans diverses affaires devant la
CISR, principalement la Section de la protection des réfugiés (SPR) du bureau régional du Centre, et ce, sans rémunération. Conformément à la Politique de traitement des plaintes présentées par la
CISR contre les représentants rémunérés non autorisés (ci-après la Politique), tant la personne qui comparaît devant la
CISR que son conseil doivent fournir à la Commission une déclaration signée attestant que le conseil agit à titre de représentant non rémunéré (section 5.3), et la Commission s'en tient à cette façon de procéder.
[3] M. Beiene n'est pas membre en règle d'un barreau d'une province, de la Chambre des notaires du Québec ou de la Société canadienne de consultants en immigration (SCCI).
[4] Il existe un document Internet pour Hagos Paralegal Service à l'adresse
http://www.profilecanada.com, qui affiche le nom Hagos Beiene comme personne-ressource, une inscription pour Hagos Immigration & Paralegal Services aux adresses
http://www.411.ca/business et
http://on.allpages.com/toronto/professional/legal-professionals/, ainsi que d'autres inscriptions Internet.
[5] Des clients de
M. Beiene se présentent assez souvent à l'accueil de la Commission et demandent à le voir. Ils se voient répondre de quitter les lieux s'ils n'ont pas une audience ou d'autres affaires à régler avec la Commission ce jour-là.
M. Beiene a été avisé de ces incidents à plusieurs reprises par la Commission.
[6] Selon la partie 5.5 de la Politique, des comparutions fréquentes, à titre de représentant non rémunéré, sont un indice possible qu'un représentant alléguant ne pas être rémunéré pourrait, en réalité, avoir fourni ses services contre rémunération.
[7] Compte tenu de ce qui précède, notamment du très grand nombre d'affaires dans le cadre desquelles
M. Beiene a comparu devant la
SPR, le vice-président adjoint de la
SPR, bureau régional du Centre, a déterminé, conformément à la partie 5.6 de la Politique, qu'il disposait de renseignements suffisants pour procéder à un examen des activités professionnelles de
M. Beiene devant la Commission.
[8] À la demande du vice-président adjoint, le greffier a informé
M. Beiene, dans une lettre datée du 28 août 2009, que la Commission procéderait à un examen des faits pour déterminer s'il devrait lui être interdit de représenter toute personne ou de comparaître relativement à une instance concernant toute personne devant la Commission.
[9] M. Beiene a été appelé à fournir, dans les trois semaines suivant la date de la lettre, des observations écrites concernant les allégations ainsi que tout renseignement supplémentaire qu'il jugerait pertinent. Il a également été appelé à fournir des éléments de preuve, tels que des relevés de ses activités professionnelles, des déclarations de revenus ou d'autres documents, établissant qu'il ne reçoit aucune rémunération lorsqu'il représente des personnes devant la Commission. Il a en outre été informé que la Commission pourrait imposer des sanctions, dont une interdiction permanente de représenter quiconque ou de comparaître relativement à une instance concernant toute personne devant la Commission, et il lui a été demandé de présenter des observations précisant la façon dont la Commission devrait régler la question. Enfin,
M. Beiene a été informé du fait que la Commission, s'il omet de répondre, rendrait néanmoins une décision, et ce, sans pouvoir bénéficier de sa réponse.
[10] Comme la Commission n'a reçu aucune réponse de
M. Beiene dans le délai prévu, le greffier a transmis à
M. Beiene une autre lettre, celle-ci datée du 19 octobre 2009, l'informant de l'examen continu de ses activités professionnelles et du fait qu'il avait eu l'occasion de répondre aux allégations, soit en personne ou par écrit, conformément à la Politique de la Commission.M. Beiene a également été informé du fait qu'il devait aviser la Commission, au plus tard le 9 novembre 2009, s'il demandait une audience en vue de présenter des observations. Il lui a été rappelé de nouveau que, à défaut de répondre dans le délai prévu et en l'absence de réponse aux allégations, la Commission rendrait néanmoins une décision dans cette affaire, sans pouvoir bénéficier de la réponse de l'intéressé.
[11] La Commission n'a pas reçu de réponse de
M. Beiene dans le délai supplémentaire prévu, ni à aucun autre moment. Par conséquent, le vice-président adjoint a procédé à l'examen des activités professionnelles de
M. Beiene et rend une décision, sans pouvoir profiter d'une réponse de la part de
M. Beiene.
Compétence et délégation
[12] Conformément à la partie 3.5 de la Politique, le délégué du président est le vice-président adjoint ou le directeur de la section du bureau régional visé par les faits à l'origine de la plainte. Puisque les faits à l'origine de la plainte sont survenus à la
SPR du bureau régional du Centre, en tant que vice-président adjoint de cette section du bureau régional du Centre, je suis, conformément à la Politique, le délégué du président de la Commission dans cette affaire.
[13] La question visant à déterminer si un vice-président adjoint, à qui le président de la Commission a délégué les pouvoirs, peut suspendre la comparution d'un agent ou d'un représentant d'une personne devant une section de la Commission en raison de doutes soulevés au sujet de la conduite de l'agent ou du représentant en question, a été abordée dans l'affaire
RezaeiNote 1. La Section de première instance de la Cour fédérale a conclu que le paragraphe 58(4) de l'ancienne
Loi sur l'immigrationNote 2 accordait au président le pouvoir de déléguer ses pouvoirs à un vice-président adjoint. Par ailleurs, la Cour a conclu que la Commission jouissait de la compétence inhérente pour contrôler le déroulement de sa propre procédure afin d'en assurer l'intégrité, et que, en l'absence de procédures précises établies par une loi ou un règlement, la Commission était habilitée (par l'intermédiaire du vice-président adjoint à qui les pouvoirs avaient été délégués par le président) à suspendre la comparution d'un agent ou d'un représentant devant la Commission au nom d'une autre personne.
[14] Depuis le jugement
Rezaei, la
Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (LIPR) est entrée en vigueur (le 28 juin 2002) et l'ancienne
Loi sur l'immigration a été abrogée. Le paragraphe 159(2) de la
LIPR a remplacé le paragraphe 58(4) de l'ancienne
Loi sur l'immigration. Il est ainsi libellé :
159. (2) Le président peut déléguer ses pouvoirs aux commissaires, autres que ceux de la Section de l'immigration, ceux prévus aux alinéas (1)a) et i) au secrétaire général de la Commission et ceux en matière d'immigration au directeur général et aux directeurs et aux commissaires de la Section de l'immigration, ceux prévus au paragraphe 161(1) ne pouvant être délégués.
[15] Il est acquis que la
LIPR confère au président le pouvoir de déléguer aux commissaires de la Commission, autres que les commissaires de la Section de l'immigration, l'un ou l'autre de ses pouvoirs, sauf celui de prendre les règles énumérées au paragraphe 161(1) de la
LIPR, celui de superviser et de diriger le travail du personnel de la
CISR, et celui de nommer des experts ou des personnes possédant des connaissances particulières pour aider les sections de la Commission et d'établir leur rémunération (ces deux derniers pouvoirs ne pouvant être délégués qu'au secrétaire général de la Commission).
[16] Je conclus que le pouvoir de déléguer accordé au président en vertu de la
LIPR a une portée au moins aussi large que celui que conférait l'ancienne
Loi sur l'immigration. Par conséquent, je conclus que le dispositif et les motifs contenus dans le jugement
Rezaei au sujet des questions de compétence de la Commission pour assurer l'intégrité de sa procédure et de délégation des pouvoirs du président continuent de s'appliquer sous le régime de la
LIPR. Je conclus en outre que le président m'a délégué ses pouvoirs relativement à la présente affaire, conformément à la partie 3.5 de la Politique.
Dispositions législatives et politique de la
CISR concernant les représentants non autorisés
[17] Aux termes de l'article 13.1 du
Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, qui est entré en vigueur le 13 avril 2004 :
13.1(1) Sous réserve du paragraphe (2), il est interdit à quiconque n'est pas un représentant autorisé de représenter une personne dans toute affaire devant le ministre, l'agent ou la Commission, ou de faire office de conseil, contre rémunération.
[18] « Représentant autorisé » s'entend d'un membre en règle du barreau d'une province, de la Chambre des notaires du Québec ou de la
SCCI.
[19] Le 10 avril 2008, la Commission a adopté la Politique qui peut être
consultée en ligne.
Décision
[20] Conformément à la Politique, la Commission veille maintenant à ce que seuls des représentants autorisés ou non rémunérés agissent à titre de conseils devant les différentes sections. La Cour fédérale a reconnu que la Politique impose une lourde tâche à la Commission pour ce qui est de l'exécution adéquate de son mandat. Le juge Lagacé a déclaré ce qui suit dans
DomantayNote 3 :
[19] […] la Cour reconnaît que la Commission a l'obligation de s'assurer que ceux qui représentent les clients avec lesquels elle traite sont des représentants autorisés, conformément au Règlement, ou qu'ils ne sont pas rémunérés pour leurs services. Cette obligation vise à protéger les demandeurs et à préserver l'intégrité du système d'immigration du Canada.
[21] La partie 5.5 de la Politique fait état d'indices possibles qu'un représentant alléguant ne pas être rémunéré pourrait, en réalité, avoir fourni ses services contre rémunération :
- des comparutions fréquentes, à titre de représentant non rémunéré;
- des renseignements pertinents issus de sources autres externes à la Commission.
[22] Le seul nombre de personnes que
M. Beiene a représentées devant la Commission depuis avril 2004, qui est supérieur à 400, suscite des préoccupations légitimes quant à la nature des activités professionnelles de
M. Beiene et à savoir s'il s'agit d'activités commerciales plutôt que des services fournis sans rémunération aux demandeurs d'asile. En conséquence,
M. Beiene a été appelé à fournir des éléments de preuve, tels que des relevés de ses activités, des déclarations de revenus ou d'autres documents, établissant qu'il ne reçoit aucune rémunération lorsqu'il représente des personnes devant la Commission.
[23] Malgré le fait que deux rappels lui ont été transmis et qu'il a eu plus de trois mois pour fournir une réponse aux préoccupations soulevées par la Commission,
M. Beiene n'a à ce jour fourni aucune réponse aux allégations ni aucune documentation concernant ses activités professionnelles.
[24] Puisqu'il incombe à la Commission de veiller à ce que la disposition réglementaire concernant les représentants autorisés soit respectée afin de protéger les demandeurs d'asile ainsi que l'intégrité du système d'octroi de l'asile du Canada, j'ordonne qu'il soit interdit à
M. Beiene de représenter quiconque dans toute affaire et de comparaître relativement à une instance concernant toute personne devant les sections de la Commission à compter de la date de la présente décision. L'interdiction demeurera en vigueur pendant une période indéterminée, soit jusqu'à ce que
M. Beiene fournisse à la Commission une preuve, qui la convainc, selon laquelle il ne demande aucune rémunération pour ses services. Une déclaration de la part de
M. Beiene selon laquelle il est un représentant non rémunéré ne constitue pas une preuve suffisante qu'il ne demande aucune rémunération pour les services fournis dans toute affaire.
[25] Au moment d'imposer cette exigence, j'ai tenu compte du fait que
M. Beiene n'est pas membre en règle d'un barreau d'une province, de la Chambre des notaires du Québec ou de la
SCCI et, par conséquent, qu'il n'est pas autorisé à exiger une rémunération pour tout service fourni à des personnes dans le cadre d'affaires portées devant la Commission. Cette décision ne devrait donc pas nuire à sa capacité de gagner sa vie ni lui causer de difficultés financières.
[26] Si
M. Beiene devient membre en règle du barreau d'une province, de la Chambre des notaires du Québec ou de la
SCCI, la présente décision n'aura plus d'effet.
Ordonnance
[27] J'enjoins aux directeurs régionaux de la Commission d'aviser toute personne représentée par
M. Beiene qu'il est interdit à ce dernier de représenter quiconque ou de comparaître relativement à une instance concernant toute personne devant toute section de la Commission à compter de la date de la présente décision. L'interdiction demeurera en vigueur pendant une période indéterminée, soit jusqu'à ce que
M. Beiene fournisse à la Commission une preuve, qui la convainc, selon laquelle il ne demande aucune rémunération pour ses services. Une déclaration de la part de
M. Beiene selon laquelle il est un représentant non rémunéré ne constitue pas une preuve suffisante qu'il ne demande aucune rémunération pour les services fournis dans toute affaire.
Signé par Lois D. Figg
15 mai 2010
Traduction de la
CISR
Langue originale : anglais
Notes
- Note 1
Rezaei c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] 3 C.F. 421 (1re inst.).
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- Note 2
58(4). Le président peut déléguer ses pouvoirs, à l'exception du pouvoir conféré par le paragraphe 65(1), des pouvoirs en matière d'arbitrage et du pouvoir de délégation visé au présent paragraphe, aux vice-président et vice-présidents adjoints de la section du statut et de la section d'appel et aux membres coordonnateurs de la section du statut.
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- Note 3
Domantay, Romeo Mejia c. M.C.I. (C.F., IMM-5109-07), Lagacé, 18 juin 2008; 2008 CF 755.
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