Cas no 19-015

​La plaignante a comparu en tant que conseil d’une demandeure d’asile devant la Section de la protection des réfugiés. Un collègue de la plaignante a par la suite pris en charge le dossier, car la plaignante a quitté le cabinet d’avocats. Le collègue est considéré comme le plaignant pour les besoins du processus de traitement des plaintes.

La demande d’asile était axée sur la violence fondée sur le sexe. La demandeure d’asile avait été qualifiée de « personne vulnérable » au sens des Directives no 8 du président intitulées Procédures concernant les personnes vulnérables qui comparaissent devant la CISR.

Les allégations de la plainte concernent le ton du commissaire, ainsi que certaines déclarations faites durant l’audience. Selon la plainte, le commissaire a insisté, pendant l’interrogatoire, pour placer devant la demandeure d’asile trois photos d’elle-même montrant des blessures visibles. Le commissaire a également été accusé d’avoir utilisé des expressions et formulé des commentaires irrespectueux qui étaient fondés sur des mythes et des stéréotypes concernant les victimes de violence.

Le Bureau de l’intégrité a transmis la plainte au président pour qu’il décide, en vertu du paragraphe 5.5 de la Procédure pour déposer une plainte à l’endroit d’un commissaire​ (la Procédure), si les allégations étaient visées par le processus de traitement des plaintes.

Le président a décidé que les allégations étaient visées par la Procédure et a renvoyé la plainte au directeur du Bureau de l’intégrité (le directeur) pour qu’il effectue une enquête. Le président a par la suite renvoyé la plainte à une enquêteuse externe afin de permettre un règlement en temps opportun.

L’enquêteuse externe était une arbitre du travail, une médiatrice et une enquêteuse en milieu de travail. Elle a déjà été vice-présidente au Tribunal des droits de la personne de l’Ontario.

Les deux parties ont eu la possibilité de parler de l’affaire avec l’enquêteuse par téléphone, de présenter des observations écrites ainsi que des documents supplémentaires et de déposer des répliques aux observations de l’autre partie. L’enquêteuse a écouté l’enregistrement audio de l’audience. Un rapport d’enquête provisoire a été rédigé, et les parties ont eu la possibilité de le commenter. Le commissaire a confirmé qu’il n’avait pas de commentaires à faire sur le rapport provisoire; des observations écrites ont été reçues de la part du plaignant. L’enquêteuse a ensuite préparé un rapport d’enquête final.

Dans le rapport, l’enquêteuse a conclu qu’il n’y avait eu aucun manquement au Code de déontologie des commissaires de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada​ (le Code de déontologie) pour les raisons suivantes :

  • Pendant l’audience, le commissaire a eu un comportement professionnel et courtois. Il lui est arrivé de poser des questions pointues ou de faire preuve de scepticisme à l’égard de certaines réponses de la demandeure d’asile, sans pour autant manquer de respect ou de courtoisie.
  • Comme la demandeure d’asile avait été désignée comme une personne vulnérable, le commissaire était tenu de faire preuve d’une grande sensibilité à son égard et à l’égard de sa situation en tant que victime de violence sexuelle, et il se devait d’éviter de la traumatiser de nouveau. Cependant, cela n’empêchait pas le commissaire de poser des questions délicates afin de vérifier la crédibilité.
  • Il était raisonnablement nécessaire pour le commissaire de placer les photos devant la demandeure d’asile dans les circonstances, car elles suscitaient d’importantes questions concernant la crédibilité que le commissaire avait le devoir d’évaluer. Il est difficile d’imaginer comment la demandeure d’asile aurait pu répondre à certaines des questions sans voir les photos. Il faut éviter de montrer des photos de cette nature à un témoin vulnérable, à moins que cela soit raisonnablement nécessaire dans le cadre des fonctions décisionnelles du commissaire. Le commissaire a trouvé le juste équilibre entre la nécessité de s’acquitter de ses responsabilités décisionnelles et celle de ne pas traumatiser la demandeure d’asile.
  • En ce qui concerne l’allégation selon laquelle certains des commentaires du commissaire s’appuyaient sur des mythes et des stéréotypes et faisaient preuve d’un manque de compréhension de la dynamique de la violence fondée sur le sexe, les questions et les commentaires soulevés dans la plainte n’étaient généralement pas inappropriés. Au moment d’établir si les questions posées constituaient un manquement au Code de déontologie, il est important de garder à l’esprit la nature inquisitoire du rôle de commissaire. Certaines des questions posées étaient plutôt pointues, mais elles étaient pertinentes par rapport aux questions à trancher et elles ne manquaient pas de respect ni de courtoisie.
  • Le commissaire n’aurait pas dû dire que la demandeure d’asile a « fait » cinq enfants, car cette expression a une connotation négative et contribue à l’objectification des femmes, en particulier des demandeures d’asile vulnérables. De plus, ce n’est pas la façon la plus respectueuse de dire que la demandeure d’asile a eu cinq enfants. Le commissaire n’a utilisé l’expression qu’une seule fois, après qu’elle eut été utilisée à plusieurs reprises par l’interprète. Une seule utilisation de cette expression dans le contexte particulier de l’audience ne constitue pas un manquement au Code de déontologie. Toutefois, le commissaire devrait être avisé de ne pas utiliser cette expression à l’avenir.

Le rapport d’enquête a été remis au président. Ce dernier était convaincu que l’enquête était approfondie et équitable. Le président a accepté les conclusions du rapport et a conclu qu’il n’y avait eu aucun manquement au Code de déontologie.

Les deux parties ont été informées du règlement de la plainte au moyen de lettres de décision de la part du président. Le commissaire s’est vu rappeler de ne pas utiliser l’expression contestée à l’avenir.

La plainte a été rejetée, et le dossier est clos.