Le plaignant a comparu en tant que conseil d’une demandeure d’asile devant un commissaire de la Section de la protection des réfugiés. Le commissaire en question n’est plus un employé de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (CISR).
À l’audience, une demandeure d’asile affirmait avoir été victime de violence familiale de la part de son ex-conjoint.
Selon la plainte, le commissaire a eu une conduite inappropriée, et l’ambiance dans la salle d’audience aurait été semblable à celle d’un interrogatoire policier. Plus précisément, selon la plainte, le commissaire était agressif et il a adopté un ton intimidant, et ses commentaires et ses questions reflétaient un jugement sur la demandeure d’asile, surtout en ce qui concerne sa vie privée. La plainte contenait également diverses allégations auxiliaires concernant la façon dont le commissaire a mené l’audience.
Le Bureau de l’intégrité a transmis la plainte au président pour qu’il décide, en vertu du paragraphe 5.5 de la
Procédure pour déposer une plainte à l’endroit d’un commissaire (la
Procédure), si les allégations étaient visées par le processus de traitement des plaintes. Le président a décidé que les allégations étaient visées par la
Procédure et a renvoyé la plainte à une enquêteuse externe afin de permettre un règlement en temps opportun.
L’enquêteuse externe était une arbitre du travail, une médiatrice et une enquêteuse en milieu de travail. Elle a déjà été vice-présidente au Tribunal des droits de la personne de l’Ontario.
Les deux parties ont eu la possibilité de parler de l’affaire avec l’enquêteuse par téléphone, de présenter des observations écrites ainsi que des documents supplémentaires et de déposer des répliques aux observations de l’autre partie. L’enquêteuse a écouté l’enregistrement audio de l’audience. Un rapport d’enquête provisoire a été rédigé, et les parties ont eu la possibilité de le commenter. Ni l’une ni l’autre des parties n’a commenté le rapport provisoire. L’enquêteuse a ensuite rédigé un rapport d’enquête final.
Dans le rapport, l’enquêteuse a conclu qu’il y avait eu manquement au
Code de déontologie des commissaires de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (le Code de déontologie). Elle a tiré les conclusions suivantes :
- Les directives du président sont un outil d’interprétation important pour aider à comprendre quelles normes de conduite sont appropriées dans une situation donnée. Par exemple, en interprétant les obligations selon le
Code de déontologie, il est pertinent que les Directives numéro 4 appellent à la sensibilité aux circonstances des femmes victimes de violence sexuelle et au syndrome de la femme battue.
- La conduite du commissaire au cours de cette audience était troublante. Bien qu’une certaine latitude soit nécessaire pour que les commissaires accomplissent leur fonction décisionnelle, la conduite du commissaire dans cette affaire était inappropriée — voire même indigne — d’une personne chargée de trancher des demandes d’asile.
- Par moments, le commissaire a utilisé un ton abrupt et a posé ses questions dans un style « interrogatoire » sans toutefois permettre à la demandeure d’y répondre complètement. Certaines des questions et certains des commentaires du commissaire manquaient de sensibilité envers la demandeure d’asile, semblaient désinvoltes, et suggéraient un manque de respect pour la demandeure d’asile, ses circonstances de vie et le fait qu’elle était victime de violence sexuelle.
- Certains des commentaires du commissaire reposaient — et semblaient perpétuer, voire même renforcer — des mythes et des stéréotypes concernant les femmes victimes de violence sexuelle. Ils démontraient une incompréhension fondamentale de la dynamique qui entoure le syndrome de la femme battue. Certains commentaires laissaient entendre que la demandeure d’asile avait une part de responsabilité pour les abus qu’elle a subis ou qu’elle était moins crédible parce qu’elle a pris certaines décisions ou n’a pas pris certaines mesures pour contrer ou mettre fin à la violence. En semblant attribuer à la demandeure d’asile une part de la responsabilité de la violence qu’elle a subie, les commentaires ont causé ou contribué au traumatisme.
- Quant aux allégations auxiliaires au sujet de la conduite de l’audience, les commissaires ont le devoir d’assurer le bon déroulement des audiences. Pour ce faire, un commissaire peut, par exemple, exiger qu’un témoin réponde à une question pertinente, relever les problèmes liés aux documents et donner des directives aux parties concernant les documents. Un commissaire peut également exiger qu’un témoin qui a demandé les services d’un interprète réponde à une question dans sa langue maternelle. La conduite du commissaire à cet égard ne manquait pas de respect ou de courtoisie.
Le rapport d’enquête a été remis au président. Ce dernier était convaincu que l’enquête était approfondie et équitable. Le président a accepté les conclusions du rapport et a conclu qu’il y avait eu manquement au
Code de déontologie.
Les deux parties ont été informées du règlement de la plainte au moyen de lettres de décision de la part du président.
Comme le commissaire n’était plus un employé de la CISR, des mesures correctives ou disciplinaires n’étaient pas justifiées dans les circonstances.
La plainte était fondée, et le dossier est clos.